Chapitre 16 | Un parfait gentleman

452 50 12
                                    

Yra se redressa tel un ressort, tenant contre sa poitrine sa main fautive — comme pour l'empêcher de refaire la même bêtise.

Ian était accroupi à côté du lit, et la regardait d'un air qu'elle ne sut pas déchiffrer.

L'embarras lui chauffa le visage. Il ouvrit la bouche, mais elle bondit du lit, lui tournant le dos, et le coupa avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit.

« Tu as l'onguent ? » Elle maudit la voix fluette qui sortit de sa gorge.

Une main chaude se posa sur son épaule. Elle se retourna, évitant son regard, et prit le pot d'onguent qu'il lui tendait.

Elle attendit, mais il resta immobile et silencieux. Sa main était toujours sur son épaule, sa chaleur la marquant à travers la chemise.

« Tu peux te retourner ? » dit-elle finalement en relevant la tête.

Il cligna des yeux, comme sortant d'une transe, et laissa tomber sa main. « Quoi ? »

« La plaie est sur ma cuisse. »

Yra lui fit de gros yeux, mais Ian ne semblait pas comprendre ce que ça impliquait.

Elle claqua la langue contre son palet, agacée. « Tu veux peut-être rester planté là pendant que je me déshabille devant toi ? »

Un sourire joueur étira ses lèvres. « Je peux ? »

Son cœur manqua un battement, mais elle leva les yeux au ciel et le força à se retourner.

« Si tu jettes ne serait-ce qu'un seul regard dans ma direction — »

« Tu vas m'arracher les yeux et me les faire bouffer, je sais. »

Elle sourit en se mordant la lèvre.

Dès que l'onguent toucha sa blessure, une sensation de fraicheur se propagea sur sa chair enflammée. Le soulagement fut immédiat, et un soupir de bien-être lui échappa.

L'onguent n'était qu'une solution temporaire, là pour calmer la douleur et lui permettre de fonctionner normalement. Elle espérait que sa plaie guérirait naturellement, sans qu'elle ait besoin de voir un guérisseur. Même ceux qui utilisaient les méthodes scientifiques archaïques au lieu de la magie étaient hors de ses moyens.

Elle mit un peu d'onguent sur sa main, qui avait déjà commencé à se remettre de l'attaque qu'elle avait subie, et remonta son pantalon en jetant un coup d'œil satisfait à Ian. Elle aurait pu — aurait dû — lui demander de sortir, mais elle avait été curieuse de voir ce qu'il allait faire. De voir quel genre d'homme il était lorsqu'une femme à moitié nue se trouvait à moins de deux mètres de lui.

Il n'avait pas bougé ; un parfait gentleman.

« Tu peux te retourner. »

Il l'évalua du regard, comme s'il pouvait déceler le moindre mal sur son corps.

« Ça va mieux ? »

Elle hocha la tête et lui tendit le pot d'onguent.

« Garde-le. » Il repoussa sa main. « Tu en as besoin. »

Sa fierté l'incita à argumenter, mais sa raison prit le dessus.

« Merci... » souffla-t-elle en rangeant le pot métallique dans sa poche.

Il attrapa un sac de papier posé sur la table de nuit et le lui fourra dans les mains. « Tiens. »

« Qu'est-ce que c'est ? »

Elle ouvrit le sac ; une odeur de beurre et de chocolat lui chatouilla les narines.

« Des chocolatines. »

« On dit "pains au chocolat", » le corrigea-t-elle en en sortant un du sac.

Ses préférés. Elle sourit en mordant à pleine dent dans la pâtisserie. Son ventre gargouilla, reconnaissant d'enfin être nourrit.

Il secoua la tête, amusé.

« Laisses-en un peu pour moi. » Il tendit la main pour reprendre le sac.

Yra recula, les yeux plissés, avant de finalement céder avec un soupir.

« C'est bien parce que c'est toi, » dit-elle, la bouche pleine.

Ian ricana, « Dit plutôt que c'est parce que tu n'as pas le choix. »

Elle haussa les épaules. « Aussi. Où est-ce que tu as trouvé des pains au chocolat à cette heure-ci ? »

Elle s'assit sur le lit pour déguster sa pâtisserie, les jambes croisées.

Il fit jouer ses sourcils de manière comique. « Je les ai piqués dans le garde mangé en bas, quand le vieux avait le dos tourné. »

Sa bouche s'arrondit, feignant la surprise. « Ian Tatchell ! Ton comportement me choque. » Elle prit une autre bouchée, et continua, « Fais attention, tu risques de devenir un vrai hors-la-loi. »

Il secoua la tête à sa taquinerie, son grand sourire dévoilant des dents d'un blanc éclatant.

« C'est ce que les filles préfèrent, non ? Les mauvais garçons, je veux dire. » Il se laissa tomber près d'elle sur le lit. Très près d'elle.

Elle haussa les épaules, la bouche pleine.

« Qu'est-ce que tu en penses ? » insista-t-il.

Elle ne prit pas le temps d'avaler sa bouchée avant de parler. « Seulement si le mauvais garçon en question m'offre des pains au chocolat. »

Elle s'aventurait sur un terrain glissant, mais titiller Ian était trop tentant.

Il s'esclaffa. « Ferme la bouche, je vais en faire des cauchemars. »

Elle leva le nez. « C'est toi qui me parles pendant que je mange. »

« C'est vrai qu'il ne faut jamais se mettre entre les sœurs DeTrassi et leurs pâtisseries, » ironisa-t-il en levant les yeux au ciel.

Elle s'apprêtait à répliquer quand la porte s'ouvrit soudainement.

Vêtue d'une de ses éternelles robes beiges, ses cheveux châtains relevés en deux chignons macaron au sommet de sa tête, Grace se tenait à l'entrée de la pièce, les yeux ronds. Elle laissa échapper une exclamation de surprise en les dévisageant.

« P-pardon, » bredouilla-t-elle. « Je venais juste prendre des nouvelles d'Yra. »

Yra la regarda sans comprendre ses excuses, puis réalisa qu'elle et Ian étaient assis sur un lit, seuls, et relativement près l'un de l'autre. Il était facile pour Grace de se faire des idées. Les convenances auraient voulu qu'Yra se lève, mais elle se sentait étrangement confortable, près de lui, et ne put se résoudre à bouger.

« Tout va bien, Grace, » lui répondit Ian. « Merci pour l'onguent. »

Il donna un discret coup de coude à Yra.

« Hm ? Euh, oui, bien sûr, merci Grace, » souffla-t-elle d'une traite.

« Avec plaisir. »

Yra lui fit un petit sourire serré. Grace n'était pas méchante, mais Ian avait presque réussi à lui sortir de l'esprit ce qui s'était passé avec Deric, et tout ce qu'elle voulait était prolonger ce moment avec lui.

Mais Grace n'avait visiblement pas l'intention de les laisser seuls.

________________________

J'aime beaucoup Ian, j'ai adoré écrire leurs interactions.

Est-ce que l'histoire prend un tour auquel vous vous attendiez ?

Sinon, quelles sont vos théories pour la suite ?

Merci à ceux qui prennent le temps de voter et de me laisser un commentaire, ça me touche beaucoup !

Un Coeur d'Ombres et de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant