Chapitre 7 | Une stupide, stupide erreur

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Miranda se tourna brusquement vers Yra, un doigt accusateur en l'air. « Tu es complètement folle ! Tu ne sais pas de quoi il est capable. »

Lui révéler son plan avait été une erreur. Une stupide, stupide erreur.

Mais il était trop tard pour faire marche arrière.

« Je ne compte pas le découvrir, » répliqua Yra fermement.

Elle dévissa la fiole et en versa tout le contenu dans le verre de sang. La poudre violette se dissout rapidement et disparut au contact du liquide rouge.

Miranda jura à côté d'elle. Yra lui jeta un regard de côté, sourcil levé, étonnée par la vulgarité qui sortait de sa bouche.

« Oh ça va ! » rétorqua sèchement Miranda face à son air réprobateur. « Tu veux bien empoisonner un homme, mais une profanité choque les limites de ta morale ? »

Yra ignora son ton sardonique et leva les yeux au ciel. « Je t'ai dit qu'il s'agit seulement d'un sédatif. » Elle secoua la tête, ses boucles noires dansant autour de son visage. « Et de quel homme tu parles ? Le monstre qui t'a fait ces cicatrices ? Il mériterait bien pire ! »

Elle replaça la fiole vide dans les plis de sa ceinture et inspecta le verre rapidement pour s'assurer que rien de suspect n'y apparaissait.

Miranda l'évalua silencieusement du regard, visiblement hésitante. « Tu ne peux pas faire ça. » dit-elle finalement en pointant le verre du doigt. « Il va s'en rendre compte. »

« Impossible. » Yra posa le verre bruyamment et croisa les bras. « La poudre de passiflore est indétectable. »

« Tu ne comprends pas, » Miranda fit un pas vers elle, paumes vers le ciel. « Lord Deric n'est pas – »

« Je ne suis pas quoi, Miranda ? »

Son cœur manqua un battement.

Deric.

***

Deric était apparu, nonchalamment adossé au cadre de porte, maintenant vêtu d'une simple chemise noire sur son pantalon de soirée, sa veste queue-de-pie disparue. Il avait retiré son masque, et Yra remarqua la dureté de ses traits, l'arc abrupte de son nez et ses joues creuses. 

Il semblait à la fois très jeune et très âgé; sa peau lisse était sans imperfection et très pâle, comme celle d'un enfant qui n'avait jamais vu le soleil, mais son regard obscur laissait deviner un homme que la vie avait frappé à mainte reprise, et qui avait appris à retourner les coups. Yra pria intérieurement pour qu'il n'ait rien entendu de leur conversation.

« Revenu. » Miranda se précipita vers lui. « Vous n'étiez pas encore revenu, je me demandais où vous étiez passé. » Elle posa une main sur son torse. Il prit ses doigts et les embrassa. Un geste étrangement tendre vu le type de relation qui les liait.

« Je vais devoir quitter Bejon plus tôt que prévu. » Il contourna la jeune femme et tendit la main vers son verre sanglant. Il leur sourit d'un air carnassier « Mais j'ai encore quelques heures à vous consacrer, mesdemoiselles. »

Le regard de Miranda sautait fébrilement de Deric au verre de sang, ses doigts se tortillant nerveusement. Yra se maudit intérieurement. Elle n'aurait jamais dû partager ses plans avec elle; la jeune femme était trop effrayée par Deric pour oser tenter ce genre de chose—ou même pour la laisser essayer. Elle s'était laissé attendrir par son moment de confidence, avait voulu la rassurer, et elle s'en mordrait bientôt les doigts. Quelle idiote elle avait été.

Alors qu'il s'apprêtait à porter le verre à sa bouche, Miranda s'interjeta et le lui arracha des mains.

« Mordez-moi ! » Elle sonnait presque frénétique, sa voix montant dans les aigues. Elle se ressaisit, ajoutant d'un ton plus doux, « Je veux que vous me mordiez, buvez à mes veines. Je veux vous sentir proche... »

Miranda se colla à l'homme, effleura ses lèvres des siennes, et finit dans un souffle, « avant que vous ne repartiez. »

Yra ouvrit de grands yeux, son sang se glaçant dans ses veines. La mordre ? Mais qu'est-ce qu'elle racontait ? Plus rien n'aurait dû l'étonner vu le tournant qu'avait pris cette soirée. Elle se tint prête à bondir sur ses jambes et à déguerpir d'un instant à l'autre. Zibara pouvait aller se faire voir, elle et sa bague de malheur. Pas question qu'elle se laisse mordre par ce monstre; elle trouverait une autre façon de rembourser la dette de sa mère.

Deric sembla évaluer la proposition de Miranda un instant, jeta un coup d'œil vers Yra, toujours assise sur le canapé, puis secoua la tête. « Non, pas ce soir. »

Il lui reprit le verre puis, avant que Miranda n'ait eu le temps de réagir une nouvelle fois, il en engloutit la moitié.

Yra attrapa le bord de son siège sans détacher ses yeux de Deric, tendue et à l'affut.

La passiflore ferait effet en quelques secondes, Deric s'effondrerait sur le sol; elle devait décider quoi faire de Miranda pendant qu'elle fouillerait la maison pour trouver la bague. La brute lui revint à l'esprit; elle jura mentalement. 

À une heure pareille, elle avait pensé que toute aide de maison serait endormie ou absente, et qu'elle aurait eu toute la liberté de fouiner à son aise. Mais l'homme étrange qu'elle avait vu tout à l'heure n'avait probablement pas été engagé pour faire le ménage—ou alors pour se débarrasser d'un type bien spécifique de saleté, le type qui faisait exactement ce qu'elle s'apprêtait à faire.

Mais, il ne pouvait pas la voir, Yra se souvint. Il n'était sûrement pas aussi dangereux qu'elle le craignait; il lui suffirait d'être discrète si jamais elle le croisait.

Hardie de son plan, elle garda le regard rivé sur Deric.

Mais Deric ne s'effondra pas au sol.

Avant qu'elle ne puisse comprendre ce qui se passait, le verre explosa contre le sol en un fracas assourdissant, l'éclaboussant du liquide poisseux. Elle bondit sur ses pieds. Deric attrapa Miranda par la gorge, le visage tordu d'une furie qui lui fit ravaler le cri lui montant à la gorge.

La jeune femme suffoquait, la bouche ouverte, essayant désespérément d'attraper un souffle d'air. Ses ongles s'enfoncèrent dans le bras de l'homme pour tenter de lui faire lâcher prise. La poigne de Deric se resserra davantage.

« Espèce de garce. » Sa voix était mêlée d'une rage froide. Un grondement grimpa de l'homme—et fit trembler Yra au plus profond d'elle-même. « Tu oses te jouer de moi ! »

Miranda glapit, les yeux exorbités dégoulinants de larmes, son visage pâle tournant à un rouge violacé. Elle leva un doigt tremblant dans la direction d'Yra tout en tapant fébrilement de sa main libre sur le bras qui l'empoignait, et croassa péniblement, « Pas... moi... »

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Miranda qui balance Yra ! Quoique, dans cette situation, je peux la comprendre...

Vous l'auriez balancé vous aussi ? Dites-moi en commentaire !

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À vendredi pour la suite.

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