Chapitre 24 | Deric te cherche

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Elle détourna le sien. Melvin lui lança un sourire d'encouragement, déposant le pinceau et le petit pot de pigment crémeux, et sortit à la suite de Clyde. Grace hésita un instant, son regard passant de Yra à Ian. Elle attrapa finalement un pashmina qui trainait à moitié hors du coffre à costume.

« J'ai presque terminé, » fit-elle en prétendant arranger le foulard jaune autour de son cou.

Ian, toujours un pied dehors et un pied dedans, hocha la tête, puis concentra son regard sur Yra. Elle fit mine de continuer à se maquiller ; Melvin avait déjà fait le gros du travail, mais toute excuse était bonne pour ne pas regarder Ian. En partie parce que son cœur se serrait à chaque fois qu'elle réalisait qu'il s'agissait de leur dernière représentation ensemble ; et en partie parce qu'elle était embarrassée de sa réaction de l'autre soir.

Une petite voix lui murmura qu'il s'agissait de plus que ça, mais elle l'ignora.

« Yra ? » appela Ian.

Elle releva la tête. « Hm ? »

« Tu viens ? »

« J'arrive, tu peux y aller. » Elle le congédia d'un geste de la main. Il sembla vouloir ajouter quelque chose, mais Grace ne lui en laissa pas l'occasion.

« Pars ! Laisse-nous finir entre filles. » Elle lui claqua la porte au nez, étouffant sa protestation dans le tas. Yra entendit Ian hésiter un instant derrière la porte, puis le bruit de ses bottes contre le béton mouillé de l'allée se fit entendre.

Grace se retourna vers elle en verrouillant la porte.

« Enfin tranquilles, » s'exclama-t-elle joyeusement.

Yra lui offrit un sourire crispé. Grace se rassit, entortillant son pashmina entre ses doigts peints de la teinte de beige dont elle était tant friande — celle qui rappelait à Yra le pelage du poney que son père lui faisait monter lorsqu'ils allaient rendre visite à son oncle Eugène. Viola avait été trop jeune pour les accompagner, et Yra avait toujours savouré ces rares escapades hors de Bejon.

Yra sentit le regard de Grace fixé sur elle, et fit de son mieux pour l'ignorer alors qu'elle passait un coup de mascara sur ses cils.

« Il n'est pas fait pour toi, tu sais. »

Yra sursauta, manquant de se crever un œil avec la brosse. Elle jeta un regard confus à Grace, la main figée dans son mouvement. « Quoi ? »

« Ian. Il n'est pas fait pour toi. » Grace baissa les yeux. Sa voix était à peine plus haute qu'un chuchotement.

« Hm. » Yra reprit l'application de son mascara, une sensation de picotement enserrant sa gorge. « Je ne vois pas de quoi tu parles, Grace. »

Grace releva la tête soudainement. « Je ne suis pas idiote. Je vois comment tu le regardes. »

« Et en quoi ça te concerne, exactement ? » lâcha Yra, agacée, en posant bruyamment le maquillage sur la coiffeuse.

Elles furent interrompues par un cognement vif à la porte. Grace lui jeta un regard irrité, l'air de dire qu'elle avait encore des idioties à déblatérer, et alla ouvrir, resserrant son pashmina autour d'elle pour se protéger de l'air extérieur.

« Où est ma sœur ? » claqua une voix familière.

Yra se retourna. « Viola ? »

Grace se poussa du chemin alors que Viola passait la tête à l'intérieur pour faire signe à sa sœur de sortir. « Il faut qu'on parle. »

Le genre de phrase que personne n'aimait entendre. Yra fronça les sourcils, inquiète. Elle se leva pour la suivre, puis revint sur ses pas et attrapa sa besace dissimulée sous la coiffeuse. Elle rejoignit Viola dehors et ferma la porte derrière elle, laissant Grace seule dans la caravane.

Les étoiles étaient recouvertes de nuages, ce soir, et Yra frissonna violement lorsque l'air froid la frappa. La robe en taffetas de son costume était loin d'être adaptée à ce genre de climat.

La ruelle à l'arrière de l'auberge était déserte, éclairée seulement par une salamandre flottant au-dessus de leurs têtes dans sa prison sphérique, et par la lumière jaunâtre s'échappant des interstices de la caravane bariolée de couleurs éclatantes. Un chat farfouillait les poubelles non loin, en quête d'un repas ; il trouva une tête de poisson qu'un autre félin, plus gros, déroba juste sous son nez. Yra haussa les sourcils avec amusement. La vie n'était facilement pour personne, visiblement.

Ignorant les sifflements agressifs des chats de gouttière, elle se frotta les bras, enviant à sa sœur la cape qui lui tenait chaud.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda Yra.

Viola venait parfois à ses représentations, mais elle n'avait pas pensé l'y voir ce soir. Yra s'était gardée de lui dire qu'il s'agissait de la dernière.

Sa sœur lui tendit silencieusement une enveloppe, son regard accusateur la transperçant encore plus profondément que l'avait fait l'éclat du verre de Deric, deux nuits auparavant. La blessure de sa cuisse n'avait toujours pas guéri, contrairement à sa main qui était comme neuve grâce à l'onguent que Ian lui avait dégoté.

Les sourcils d'Yra se creusèrent lorsqu'elle reconnut l'emblème estampillé sur le sceau de cire violette : un serpent entortillé sur lui-même, à la manière d'un tourbillon. D'un cyclone.

Le sceau était déchiré ; Viola avait déjà lu la missive. Yra déplia le papier épais d'une main, tendue, soucieuse de ce qu'elle allait trouver à l'intérieur. Le message était expéditif :

Deric te cherche. Fais profil bas.

Z.

Elle releva la tête vers Viola, qui avait croisé les bras, l'air de la défier de trouver une explication à cette lettre.

« Un autre mensonge à dire pour ta défense, Yra ? »

Si seulement.

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On arrive bientôt à un tournant important dans l'histoire, j'ai hâte !

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