Chapitre 28 | Georgina

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Yra fourra le livre dans sa besace en pestant contre elle-même. « On doit retourner à l'auberge. »

Elle fit demi-tour, mais Viola la stoppa en lui attrapant la main.

« Il est tard, » protesta sa sœur. « On peut y retourner demain. »

Une bourrasque fit s'envoler les longs cheveux blonds de Viola, qui retint son chapeau juste avant que le vent l'emporte. Le froid, de plus en plus mordant à mesure que l'automne prenait sa place, les avait poussées à marcher si vite qu'elles étaient arrivées chez elles plus rapidement que d'habitude. Yra n'avait qu'une seule envie elle aussi : s'emmitoufler dans les couvertures douillettes de son lit et réchauffer ses orteils glacés — mais il y avait plus urgent que son envie de confort.

« Grace a le journal. » Elle se remit à marcher d'un pas rapide, les feuilles humides aux couleurs brûlées de la saison lui collant aux bottines. « Le journal que j'ai volé à Deric. »

Viola la suivit et commença à l'interroger sur le journal, mais Yra l'attira brusquement derrière un des arbres qui longeaient le trottoir.

« Mais qu'est-ce que — »

Yra plaqua la main sur la bouche de sa sœur pour la faire taire. Jetant un coup d'œil prudent au-delà du tronc d'arbre, elle retint son souffle.

Le carrosse de Deric était là, garé à une vingtaine de mètres d'elles. Majestueux avec ses ornements de fers menaçants, ses parois de verre reflétaient la lueur froide des salamandres qui éclairaient faiblement la rue.

Comment avait-il fait pour la retrouver ? Le sang battant dans ses tempes, Yra commença à chuchoter à sa sœur de rentrer à la maison sans se retourner —

Mais ce ne fut pas Deric qui sortit du carrosse. La brute, avec ses muscles impressionnants et sa peau d'une pâleur effrayante, descendit lourdement de la voiture, qui rebondit d'un coup, comme soulagée du poids de l'homme.

La brute sortit quelque chose de sa poche. Yra fronça les sourcils, la main toujours plaquée fermement sur la bouche de Viola qui ne savait pas ce qui se passait, étouffant ses plaintes qui risquaient de les faire remarquer. Les yeux rouges de la brute luirent dans l'obscurité, alors qu'il reniflait ce qu'il avait en main. Il faisait sombre, mais elle arriva tout de même à distinguer le gant en dentelle qu'elle avait fait tomber chez Deric.

Yra jura entre ses dents. Elle aurait dû être plus prudente. Ce soir-là, après l'attaque de Deric, sa seule priorité avait été d'attraper la bague et de s'échapper. Elle n'avait pas pensé une seule seconde que le Vampyr pourrait utiliser quelque chose d'aussi insignifiant qu'un gant pour la retrouver.

La brute releva la tête, un air féroce sur son visage bourru. Ses pas lourds firent trembler le sol sous ses pieds alors qu'il fonçait droit devant, avec tant de précision et de détermination qu'Yra se demanda s'il était réellement aveugle. Son manque de vision n'avait pas l'air de lui causer un quelconque souci.

Sentant la terre vrombir sous ses pieds, Viola se figea, comprenant qu'il valait mieux se faire petite.

La brute ne fonça pas vers elles, comme Yra l'avait craint, mais droit vers la maison devant laquelle le carrosse s'était arrêté. Vers la maison de Gina.

La maison de Georgina.

La réalisation de ce qui était en train de se produire sous ses yeux lui tordit l'estomac. La brute n'en avait pas après elle. Il en avait après la courtisane qui avait volé son maître. La courtisane qui avait prétendu s'appeler Georgina. La courtisane qui possédait le deuxième gant de la paire.

Un Coeur d'Ombres et de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant