Chapitre 22 | Qui a dit que j'étais mortel ?

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Aussitôt les mots inscrits qu'ils s'enflammèrent comme si l'encre était faite de charbon, puis disparurent en fumée. Yra se mordit la lèvre. Ça ne pouvait rien présager de bon.

Elle prit un instant pour réfléchir à sa première question. Le vent souffla à travers les branches tombantes du saule pleureur, et Velana fourra sa tête sous la cape de laine d'Yra alors que celle-ci arrangeait le vêtement pour se protéger du froid.

Elle n'avait que quatre questions pour déterminer ce que valait ce journal ; pour savoir si elle allait pouvoir le refourguer à quelqu'un de passage en ville contre un bon prix, ou s'il valait mieux qu'elle mette sa menace à exécution et le jette effectivement au fond de l'étang.

Le bout de sa plume imprégné d'encre, elle inscrivit sa question avec minutie.

Qu'est-ce que Deric voulait faire de toi ?

Il était impossible que Deric eût possédé un objet de ce genre sans jamais tenter de communiquer avec lui. Le journal devait savoir quelque chose.

M'utiliser, j'imagine.

Comme la plupart des gens.

Elle fronça les sourcils. L'utiliser pour faire quoi ? Sa réponse était beaucoup trop vague.

Mais il n'a pas eu pas les tripes de s'en charger lui-même.

Hm.

Pourquoi t'utiliser demanderait du courage ?

Parce que les hommes sont des lâches. Affronter les conséquences de leurs ambitions les terrifie.

Un rire secoua Yra.

Tu n'es jamais tombé entre les mains d'une femme, alors.

Elle ne connaissait aucune femme qui laisserait quoique ce soit se mettre entre elle et son objectif.

Jusqu'à maintenant.

Peut-être que tu seras à la hauteur.

Ses yeux se plissèrent avec suspicion. Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ?

Qu'est-ce que tu es ?

Un homme.

La confusion déforma le visage d'Yra. Un homme ? Est-ce qu'il était coincé dans ce truc ? Quelque chose se serra dans sa poitrine, et elle inspira profondément. Avant de se fondre d'empathie, il valait mieux réunir plus d'informations. Les apparences pouvaient être trompeuses.

Comment tu t'es retrouvé dans ce journal ?

Elle regarda avec attention sa réponse apparaître sur le papier.

J'ai donné ma confiance aux mauvaises personnes.

Yra attendit qu'il lui donne davantage d'information, mais la page resta vierge. La frustration lui donna envie de se taper la tête contre le tronc d'arbre derrière elle. Il ne lui restait qu'une seule question, et ce satané journal lui répondait au compte-goutte. Elle commençait à comprendre que ce marché lui servirait bien plus à lui qu'à elle — quel que soit l'intérêt de cet homme à vouloir sa compagnie.

Un Coeur d'Ombres et de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant