Chapitre 17 | Meilleure chance la prochaine fois

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Les yeux de Grace s'illuminèrent en voyant la pâtisserie dans les mains d'Yra.

« Ce ne serait pas des chocolatines ? » sourit-elle en refermant la porte derrière elle.

Ian attrapa le sac en papier et le tendit à Grace, s'attirant un regard scandalisé de Yra. Elle n'avait rien avalé depuis deux jours, et cet idiot voulait lui retirer sa seule chance de satisfaire sa faim aujourd'hui ?

« Sers-toi, » offrit le garçon, inconscient du haussement de sourcils qu'il provoquait chez la jeune femme assise à côté de lui.

Grace tendit la main vers le sac, mais Yra fut plus rapide.

« Meilleure chance la prochaine fois. Ceux-là sont à moi. »

Grace cligna des yeux, le visage déconfit ; Ian fronça les sourcils vers Yra. Cette dernière força un sourire sur ses lèvres.

« Je plaisante. » En grinçant des dents intérieurement, elle tendit le sac à Grace.

Grace le prit avec hésitation en l'évaluant du regard.

La fatigue lui montait au cerveau.

« Vas-y, goute, ils sont délicieux, » la rassura Yra, espérant faire oublier son comportement étrange.

« Merci. »

Grace fit signe à Ian de se décaler pour qu'il lui fasse une place sur le lit étroit. Elle s'assit entre eux deux, forçant Yra à décroiser ses jambes et à se placer au rebord du lit. Elle lança un regard de côté à Grace alors que celle-ci se tournait vers Ian.

« Alors, tu lui as dit pour demain ? »

Grace gigota, éjectant un peu plus Yra vers le rebord du lit, qui finit par souffler d'exaspération et sauter sur ses pieds.

« Qu'est-ce qu'il y a, demain ? » Yra plissa les yeux vers Ian. « C'est toujours bon, non ? »

Elle pria Séléné que leur représentation n'ait pas été annulée ; elle avait absolument besoin de gagner quelques pièces.

Il baissa les yeux, et passa une main sur sa nuque. « Oui... »

Les mots avaient du mal à sortir de sa bouche. Le regard de Grace passa de Ian à Yra, son pain au chocolat figé au bord des lèvres.

« Oh, voyons ! » s'exclama-t-elle finalement devant l'hésitation de Ian. « Il n'y a vraiment pas de quoi en faire tout un fromage. Je suis certaine qu'Yra sera contente pour nous. N'est-ce pas, Yra ? » Elle se tourna vers cette dernière.

« Difficile à dire tant que je ne sais pas de quoi tu parles. » Yra croisa les bras, le regard toujours rivé sur Ian.

« Demain, c'est notre dernier soir à Bejon. On repart sur la route ! » annonça Grace d'une voix enjouée.

L'annonce fut comme un seau d'eau froide prit en pleine tête.

« C'est vrai ? » souffla-t-elle, son regard plongé dans celui de Ian

Il releva les yeux vers elle, et hocha la tête sombrement.

Grace prit la main de Ian dans la sienne. « Ne fais pas cette tête d'enterrement, l'opportunité qu'on a est incroyable ! C'est plutôt une bonne nouvelle. Je sais qu'Yra est heureuse pour nous — même si ça veut dire qu'on ne se reverra pas avant très très très — »

Mais Yra ne l'écoutait déjà plus ; elle fonça vers la porte d'un pas furieux.

« On se voit demain, » lança-t-elle en sortant.

« Yra, attends ! » Ian l'appela.

Elle entendit Grace le retenir alors que la porte claquait derrière elle.

La nouvelle n'était pas difficile à avaler à cause des Marks qui allaient manquer à sa bourse — prétendre que l'aspect pécuniaire était ce qui la préoccupait le plus aurait été un mensonge. Sa gorge se serra à l'idée de ne plus revoir Ian, qui était devenu pour elle ce qui s'était le plus rapproché d'un ami depuis toujours. Elle ne voulait pas perdre ces moments passés avec lui, avec la troupe, ces moments qui la faisaient se sentir presque normale.

Elle dévalait les escaliers, perdue dans ses pensées.

Elle n'aurait pas dû perdre son temps à socialiser avec Ian — ni avec le reste de la troupe. Ils ne faisaient pas partie du même monde. Melvin, Clyde, Grace et Ian ; ces gens-là étaient amis depuis des années, voyageaient de ville en ville ensemble, partageant des moments et des aventures inoubliables qui les marqueraient à jamais. Le mot ami semblait même trop faible pour décrire leur relation ; ils étaient une famille. Une famille dont elle ne faisait pas partie.

Peu importait à quel point elle avait essayé, peu importait à quel point son cœur le désirait. Ces choses-là — l'amitié, la liberté, sentir qu'elle avait trouvé sa place — n'étaient pas pour elle. Bejon allait la consumer toute entière, ne laissant de son existence que des cendres. Elle ne pourrait jamais échapper à cette ville. Pas avec toutes les responsabilités qui reposaient sur son dos, et le peu d'opportunités qui s'offraient aux gens comme elle dans la région.

Permettre à ce genre de rêve inatteignable de polluer son esprit ne pouvait lui causer que du tort.

Elle posa son pied au rez-de-chaussée et percuta le dos d'une femme enveloppée d'une cape rose. Une exclamation de douleur mêlée de surprise leur échappa à toutes les deux.

« Vous ne pouvez pas faire attention ! » cracha la femme en faisant volteface.

Yra s'apprêtait à s'excuser machinalement, mais les mots moururent dans sa gorge en reconnaissant la personne devant elle.

Sous l'ombre de la capuche, le visage de sa mère se durcit davantage à sa vue.

« Yrabel. »

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Je sais pas vous, mais Grace c'est pas ma préférée 👀

Au prochain chapitre vous allez rencontrer (enfin) la mère d'Yra.

N'oubliez pas de voter si vous avez aimé, et laissez-moi un petit commentaire si le cœur vous en dit.

À bientôt !

Un Coeur d'Ombres et de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant