Chapitre 1

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Je patiente devant la porte de la chambre 212, celle que mon père occupe à la clinique. Je ne suis pas sûre de vouloir entrer pour le voir encore dans cet état.

Finalement, je pousse un long soupir avant de bousculer le bâtant pour entrer. Dès que ses yeux se posent sur moi, son visage s'illumine. Malgré cela, je peux voir les rides de son front et ses traits fatigués.

Mon père n'a plus de cheveux, il est en phase terminale d'un cancer du foie. Il y a des machines partout autour de lui.

- Ma fille, prononce-t-il d'une voix faible. Je suis content de te voir.

Je ne dis rien et viens m'assoir sur une chaise près de lui pour lui prendre la main. Je suis si triste de le voir comme ça. Je n'arrive pas à imaginer qu'il va bientôt mourir.

- Je suis là papa, je murmure les larmes aux yeux.

- Ça va bien se passer, me rassure-t-il. Je suis vieux, mais toi tu es encore jeune et mon seul regret est de ne pas assister à ton mariage et voir mes petits-enfants.

Je ne peux m'empêcher de lâcher un demi rire.

- Tu sais que je suis vieux jeu, ricane-t-il.

Ses yeux sont plissés par les rides. Mon père, François Delbot a soixante-deux ans et il allait très bien il y a encore cinq ans. Je suppose que son travail en tant que chef d'entreprise l'a épuisé et causé beaucoup de stress.

Il n'était pas un homme particulièrement aimé dans le milieu des affaires, réputé intransigeant et difficile. Cela a causé beaucoup de tort à mon demi-frère Simon : le fils prodigue, l'aîné de la famille, l'enfant légitime. Il a épousé Michelle de Cosaney par intérêt, car ils étaient issus du même milieu social. En revanche, il était amoureux de ma mère. Marta Lorini était une mannequin italienne dans sa jeunesse qui a vécu une véritable histoire d'amour avec mon père dans l'ombre de sa femme.

Il a toujours été sévère avec Simon pour le former à reprendre l'entreprise. Ce dernier lui en a toujours voulu, car avec moi et ma mère, notre père était toujours doux et attentionné : il pouvait être lui-même. De ce fait, mon demi-frère et Michelle ne nous ont jamais apprécié. Je ne le leur reproche pas.

- Ne t'inquiète pas pour la suite ma chérie, intervient mon père en voyant que je fronce les sourcils. Mon testament est en ordre, tu ne manqueras de rien et ta mère non plus.

Mon père nous a acheté une splendide petite maison près de Biarritz sur la côte atlantique. Il habite avec Simon et Michelle dans un grand appartement luxueux du centre-ville. Malgré cela, j'ai une chambre et je peux venir le voir quand je le souhaite. Après tout, il m'a reconnu comme sa fille au grand dam de sa femme.

- Ce n'est pas cela père, je lui dis. Je n'ai pas envie que tu m'abandonnes.

Il serre encore plus sa main dans la mienne. J'ai si peur qu'à peine enterré, Simon conteste le testament et nous laisse sans le sou. Cet homme est vicieux malgré le fait qu'il a vingt-cinq ans.

- Je serais toujours avec toi, dit-il en fermant les yeux.

- Mais Simon...

- Je sais qu'il ne t'a jamais apprécié, mais il ne peut pas contester mes dernières paroles et il n'osera pas me faire du tort sans y répondre devant Dieu.

Simon n'a pas les mêmes scrupules que mon père, même s'il n'est pas aussi intelligent que lui. Il n'a pas l'air de se rendre compte que son fils attend ce tragique événement depuis longtemps pour moi aussi me porter en terre.

- Tu sais qu'il va tout gâcher, je tente une dernière fois.

- Il n'est pas prêt à reprendre l'entreprise et c'est pour ça que j'ai nommé Beaumont à ma place, explique-t-il.

Une divine tortureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant