Chapitre 5

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Je sens quelque chose de chaud contre mon visage mais je n'ai pas envie de me réveiller. Cela fait une éternité que je n'ai pas aussi bien dormi. Je veux rester là, les yeux fermés sans me soucier de ce qui peut m'arriver.

Soudain, je me rappelle du visage de Simon, de ces paroles. J'espère que ce n'est qu'un cauchemar et que ce salop n'a pas fait ce qu'il a dit. Cela me donne encore moins envie d'ouvrir mes paupières encore lourdes.

Pourtant, cette sensation d'être dans les vapes n'est pas normale. Si je suis en danger, il vaut mieux que je me réveille. Je me rappelle que Simon a posé un mouchoir sur ma bouche.

Je me force à ouvrir les paupières. Mon corps est engourdi, il ne vaut mieux pas que je me lève trop vite. Je vois un tissu du bleu roi au-dessus de ma tête. Je bouge lentement mes bras puis mes jambes.

Je déglutis puis je tourne la tête vers la droite. Le soleil. Il filtre à travers la baie vitrée derrière des vitres à peine teintées pour se protéger de l'astre.

Mon cœur commence à battre plus vite. Je passe une main sur ma tête comme si j'avais une bosse puis je pousse mon corps sur le côté. Je suis encore vêtue de ma robe de bal.

Je parviens à me redresser sur le lit. J'observe ce qui se trouve autour de moi. Je ne sais pas du tout où je suis. Enfin si, je suis dans une chambre mais je ne la connais pas.

Le lit est à baldaquin d'un joli bleu roi. Les draps sont blancs et soyeux mais je dormais sur la couette en satin du même bleu. Le réveil sur la table de chevet indique cinq heures huit. Il n'y a rien d'autre dessus, même pas un livre. Cette chambre est assez peu personnalisée. Il y a un immense tableau de paysage près d'un fauteuil. Je remarque alors une porte entre-ouverte.

Je bondis du matelas mais je chancelle. Je me retiens à la barre en bois du lit pour ne pas tomber. Mes chaussures m'attendent sur le tapis mais je ne les prends pas.

J'ouvre la porte, mais je vois que ce n'est que la salle de bain. Seigneur, elle est complètement vitrée. Il y a une vasque avec un grand miroir et des tiroirs. Une baignoire en œuf trône au centre. Au fond, une douche à l'italienne prend place. Mais ce qui me laisse sans voix, c'est la vue à couper le souffle.

Je suis perchée en hauteur d'une route en contrebas. Je vois des îles lointaines, la mer et surtout une ville non loin de là. J'ai dû mal à voir, mais je suis certaine de reconnaitre ce type de bâtiment.

Personne ne peut me voir car ce sont des vitres-miroirs. En effet, je n'aimerais pas qu'on puisse me voir nue à la place de la personne qui habite-là.

Je pousse un soupir puis je quitte la pièce. Je tente l'autre porte mais elle est fermée à clé. Evidemment, l'objectif est de me laisser pourrir ici. Je repère alors ma valise rangée la penderie à moitié ouverte. La seule chose familière qui se trouve ici.

Cela me donne l'idée de fouiller dans les placards. Je trouve tout un tas de costumes et de chemises qui sentent un parfum distingué. Vu la coupe, l'homme en question doit être grand et certainement pas obèse.

Cela me rappelle les paroles de Simon et mon sang se glace. Je ne veux pas être la pute d'un vieux dégueulasse. Non, je préfère encore mourir.

Je ne trouve rien que des ceintures, des chaussettes, des t-shirts et des sous-vêtements dans ce dressing. Je referme les portes en bois puis je me tourne vers la pièce. Les murs sont blancs sans charme et le parquet moderne accueille un pauvre tapis gris.

Je lâche un rire en regardant par la baie vitrée. Il y a un balcon mais je n'ai même pas envie d'ouvrir la porte car je sais qu'elle est fermée. Mais sur un malentendu, elle est peut-être ouverte. Je tire sur la poignée mais rien ne se passe. Je vois qu'il y a une serrure. Mon rire redouble face à cet échec évident.

Je crois que je suis en train de devenir folle. Cette situation est complétement hallucinante. Cela n'arrive jamais sauf à moi. Il faut dire que j'ai un monstre qui me sert demi-frère.

Je retourne dans la salle de bain. Je trouve des serviettes dans les tiroirs. Il y a aussi une brosse à dent, du dentifrice et du matériel pour se raser. Je m'arrête un instant sur le kit. Je l'ouvre et je vois un super rasoir dernier cri. Il y aussi les lames qui vont avec. J'ouvre la boite et je m'en empare d'une.

Je n'ai jamais fait une chose pareille. Je ne suis pas suicidaire. Même quand c'était difficile, je trouvais le moyen de me battre. Malheureusement, la situation dans laquelle je suis n'a rien de normale. J'ai été vendu comme un pauvre animal. Je savais qu'il existait un marché caché pour les hommes fortunés mais je n'aurais jamais imaginé que j'allais m'y retrouver. Généralement, ce sont des enfants pas une femme dont le demi-frère ne veut plus d'elle.

Je n'ai pas envie de mourir. Je sais qu'il faut vraiment être dans un sale état psychologique pour pouvoir se suicider. Ce n'est pas facile car notre corps est fait pour se défendre contre la mort. Il faut vraiment le vouloir pour passer à l'acte.

Est-ce que c'est ce que je veux vraiment ? Je pense à ma mère. C'est la seule personne qu'il me reste. Je n'imagine même pas sa souffrance. Elle doit se demander où je suis et évoquer les pires horreurs. J'aimerais lui parler mais je n'ai pas mon téléphone, il est resté dans son sac à main. De doute façon Simon ne m'aurait pas laissé repartir avec.

Je me regarde dans le miroir. Mes cheveux sont un peu ébouriffés et la pince est en train de glisser. J'ai encore du maquillage mais mon visage parait tellement triste. J'ai encore ma croix autour du cou. Ça, il ne me l'a pas enlevé. Il aurait pu. D'habitude, je la cache toujours en sa présence mais cette fois, j'ai oublié. Je n'ai pas envie que Simon la voie car je n'aime pas quand il la regarde. C'est comme si un combat entre Dieu et Satan avait lieu.

Je sens les larmes couler sur mes joues. Je ne peux pas vivre même pour ma mère. Je ne peux pas endurer toutes ces souffrances comme Jésus sur le chemin de croix. Espérer revoir ma mère un jour, parvenir à m'enfuir. Je n'ai pas cette force. Je sais que de toute manière, je finirais par mourir. Aucun être humain ne peut subir les pires vices de l'Enfer et en sortir indemne.

La fine lame brille dans ma main. Je serre la croix du Christ entre mes mains. J'aurais aimé avoir ma mère près de moi avant de mourir. Je suis en train de prier, de me repentir de mes péchés même si je ne pense pas en avoir commis beaucoup.

Même si je ne pourrais jamais pardonner à Simon, je ne veux pas être dominée par la vengeance. Je veux partir en paix. Je fais mes dernières prières à la place du prêtre qui donne l'extrême onction. Mon père l'a reçu aussi. Je pense à lui, je l'aime tellement même s'il a fait beaucoup d'erreurs dans sa vie, surtout concernant son fils.

Je commence à me sentir mieux. L'idée de mourir ne me parait pas si terrible tout à coup. Je le fais pour me sauver. Je rejoindrais mon père. Cette pensée me rend heureuse et la mort m'apparaît moins tragique. Je deviendrais un ange. Cela me fait rire et mes larmes glissent sur mes joues pour tomber dans la vasque.

Je ne ressens plus rien au fond de mon cœur. Pas comme si j'avais perdu toute humanité mais plutôt comme si j'avais trouvé la tranquillité. Je crois que je suis prête à partir.

Je pose mon bras dans le lavabo puis je pose la lame dans l'alignement de mon bras. Ma main tremble légèrement mais je sais que je peux le faire.

Soudain, j'entends des pas troubler la tranquillité des lieux. Une clé dans la serrure. Je m'entaille le bras et la douleur me fait étouffer un cri.

La panique m'emporte, je ne sais pas quoi faire. Je voulais mourir sans qu'un obstacle vienne troubler ma paix intérieure.

La personne entre dans la chambre. La porte de la salle de bain est entre-ouverte, je me poste derrière.

Dès que le battant bouge, je me jette avec ma lame sur la personne. Je suis arrêtée dans mon élan par une main qui saisit mon poignet. Le sang dégouline de mon bras et vient salir le sol et ma robe blanche.

Je croise les yeux noisette d'un homme mais il n'est pas vieux. Ce doit être un homme de main. Son regard perçant et la cicatrice sur sa joue me tétanisent.

Ses yeux glissent sur mon bras et le sang qui coule à flot. Il me lâche et je m'effondre par terre. Je ne savais pas jusqu'à présent que seul sa poigne me maintenait debout.

Mon cerveau ne sait pas, ne sait plus, il est perdu. Comme pour me protéger de quelque chose d'insupportable, mon esprit tourbillonne et mes paupières se ferment.

Une divine tortureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant