Prologue.

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J'avance lentement dans l'obscurité, a chaque pas que je fais je sens la tension grandir dans mon corps. Je passe le premier rideau, celui des coulisses, et j'avance sur la scène déserte.

Je rentre, toqué n'est pas de mise ici. Alors je rentre en poussant la porte, ivre sur le canapé il me fixe avant d'ouvrir de grands yeux globuleux et de partir en courant. Si Inutile. 

Mes chaussons foulent le sol que je sais boisé au toucher, ils m'emmènent jusqu'au centre. Ici je relève le regard, fixant le désert noir qu'est la salle habituellement pleine.

Je le laisse fuir vers l'étage avec un profond soupir et je fixe les quelques signes de vie qu'il reste sur les murs. Les photos sont là mais chaque cadre est brisé.

Les premières notes retentissent, je baisse la tête et abaisse lentement les épaules d'un même mouvement. C'est l'heure, je dois maintenant rentrer dans mon personnage et m'abandonner à la musique. Je compte chaque note de piano.

Un bruit lourd. Il est en train d'essayer de cloîtrer une chambre, et maintenant il charge une arme. C'est vraiment pas malin de faire tomber des balles si tu cherchais à être discret. J'avance vers l'étage évitant les bouteilles vides.

Le piano débute seul, ma danse tout aussi seule commence. Des pas simples à mesure que les notes le sont. Des pas de bourré, en trois temps sur le rythme de la musique. Un changement de pied simple avec un léger déplacement latéral.

J'attrape mon arme, je la fixe un instant puis retire la sécurité. Je suis arrivé face à la porte, ce connard c'est planqué dans ce qui sert de chambre a sa fille. Je serre les poings et toque lentement à la porte. Il ne répond pas. Bien sûr.

La musique accélère, mes pas aussi. Je m'abandonne à la musique, je la laisse glisser le long de ma colonne vertébrale et je cours, saute, tourne et avance. Un glissé, il m'offre la revenue au centre de cette scène.

Je la dirige vers le verrou, un tir. Le bruit sourd et une exclamation de terreur derrière. Il ose être terrifié après tout ce qu'il a fait ? Je relève le regard vers la porte, un regard noir, un regard de haine. Il doit payer, et il le fera. Je recule de quelques pas.

Une glissade, je pars de ma cinquième position alors que j'entends le piano qui diminue. Un dégagé et je transfère mon poid sur ma jambe, ma jambe droite celle du dégagé se recule et laisse l'autre finir devant. Le piano se tait un instant et je respire lentement.

Dans un geste brusque, rapide et précis, je relève la jambe et donne un coup dans la poignée. Après plusieurs coups, la porte est cédée mais elle reste bloquée. J'entends un ricanement derrière moi et je roule des yeux. Un meuble pourra me retenir tu crois ?

Violon, le violon reprend. Rapidement, la musique est moins douce, plus brusque, plus sauvage. Je relève la tête, fixe le vide et me concentre. Je cours, répartissant mon poids et au bon moment, a la bonne note je me jette en l'air. Un instant je suis suspendu en grand écart et le passé disparaît.

Je pose mes mains sur la porte et pousse. Je pousse de toutes mes forces en répartissant la force de mes jambes pour être plus efficace. Je ferme les yeux et me concentre, je n'aurais que quelques secondes pour décider de la trajectoire de son titre, il faut que j'effectue une rotation parfaite pour l'éviter.

J'atterris au sol en douceur et silencieusement souriante, les entraînements paye. Je me mets droite et tend doucement ma jambe en avant, en arrière puis sur les côtés, tout en restant en équilibre. Le violon c'est calme, le grand adage est ample, lent, stable. Comme la mélodie.

Le meuble se pousse, la porte a plus d'accès et un bruit sourd résonne. Je me penche directement et effectue une roulade. Je suis pile face à lui. Le fusil était une mauvaise idée, tu n'as pas le temps de recharger. J'attrape ce fusil et le jette loin de lui alors que son visage me montre la pire des horreurs.

Je repose mon pied au sol, le piano reprend. Les notes lentes se mêlent à nouveau au violon qui accélère. J'inspire longuement et je remémore les paroles de mon entraîneur. Je me mets en équilibre sur ma jambe droite, lève la gauche autour de mon corps et je tourne. Je tourne encore et encore sentant l'air fouetté avec délice mon corps.

J'attrape sa gorge et le lève pour mieux le plaquer au mur. Il me supplie, me supplie de le laisser en vie. La pitié n'est pas quelque chose que j'ai apprise. Malheureusement pour lui. J'attrape mon arme et la pointe sur son front alors qu'il pleure. Elle pleurait aussi. Ils pleuraient aussi. La rage remonte, étouffant tout autre semblant d'émotions.

Je me stabilise au sol, le violon disparaît et mes émotions remontent. Un dernier mouvement, quelques dernières secondes. Ma réalisation, ma création. Je monte sur mes pointes, tend les bras et remonte une jambe contre moi. Je tourne lentement, une note, un mouvement.

Je le fixe dans les yeux et je pose un peu plus fort sur son front. Je tire et la vie disparaît dans ses yeux avant que son corps ne tombe au sol dans le bruit sourd de la mort. Je fixe son cadavre avec amertume.

Lentement chaque note s'arrête et je me stabilise. Je reste immobile là où tout a commencé et je baisse doucement la tête à nouveau. Mes yeux se ferment et mes épaules s'abaissent à nouveau.

Je détourne le regard et sort, laissant leurs travailles à mes subordonnés. Je descends les marches et sort de cette maison des enfers, partant directement vers elle.

J'entends des pas, masculin et rigides. Bien loin de ma souplesse. Il monte sur la scène et s'arrête face à moi. J'ouvre les yeux et le fixe.

Je suis face à elle, sa respiration est calme et apaisée. Elle ouvre les yeux et me fixe alors que je me force à garder ce contact.

C'est fini.

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