Chapitre 43

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Aussi curieux que dérouté, Morgal scrutait la gemme, les coudes calés sur la surface d'un bureau.

Le silence qui l'entourait lui apportait le plus grand bien. Depuis l'incident avec Duncan, il n'arrivait pas sortir la tête de l'eau, comme prisonnier d'une chappe d'abattement. Le moindre effort lui dévorait toute son énergie et son cerveau ne parvenait plus à faire la part des choses. Cependant, la colère grondait toujours en lui. En plus d'être révolté par ce que subissaient les membres de sa race, il se sentait trahi par Jenny qui avait refusé de lui dévoiler la vérité. Elle savait pourtant quelle menace planait désormais sur lui. Il n'était pas question une seule seconde de se retrouver plongé en esclavage dans cette maudite cité.

Parce que s'il avait maintenant une arme pour s'échapper de la Confrérie, aucun bouclier ne le protégeait encore de la décision d'Hervan...

Justement, ce dernier pénétra dans la chambre de son pas sûr. Jamais l'hésitation ne traversait son visage ridé. Tout chez lui respirait une calme détermination.

— Chérubin, je te cherchais.

— Et où voulez-vous que je sois ailleurs que dans ma chambre ?

— Qu'as-tu dans les mains ?

— Un cadeau...

L'humain fronça les sourcils mais ne parut pas déceler la nature de la pierre.

— Comment te sens-tu ?

— Fatigué...

— C'est à cause de toute la magie que tu as dépensée dans l'arène. Ça a bien failli te tuer ! Malheureusement, tu mettras quelques jours à t'en remettre.

— Joie...

— Tu ne contrôles rien de ton Vala, mon garçon. Ça te jouera des tours.

— Comme me donner en pâture à Nilcalar ?

Hervan soupira et s'assit dans un fauteuil, de manière à être face à son apprenti :

— Tu es le fils du Roi en Blanc. Seul un idiot ne profiterait pas de l'occasion pour exiger une rançon. Le roi de Narraca accepterait de t'acheter pour un million d'écus, je n'en doute pas un seul instant.

— Je vois.

— Mais je ne pense pas avoir recours à ce genre d'échange. J'ai d'autres priorités que celles de remplir mes caisses.

— Comme les contrats compromettants que Nilcalar détient ?

Le vieil homme sourit :

— Tu es intelligent, Morgal. Voilà pourquoi j'hésite autant à me débarrasser de toi. Tu es dangereux. Mais c'est en effet pour ces contrats que je décide de t'épargner. Enfin... à condition que tu acceptes ma proposition. C'est le compromis sur lequel Locea et moi nous sommes arrêtés.

Dans un profond soupir, l'elfe s'adossa à sa chaise, les yeux plissés, devinant la supercherie. Son chef restait avant tout un vieux renard, capable d'utiliser ses hommes comme de simples pions sacrifiables.

— Je veux que tu récupères les contrats et que tu les détruises.

— Mmh... ça me parait trop simple...

— Oui, en vérité la tâche sera sans doute ardue. Les contrats se situent dans la bibliothèque privée du roi, autrement dit, dans ses appartements.

— J'imagine qu'ils sont bien gardés. Mais vous avez déjà dû vous renseigner sur les horaires du roi et sur les changements de quart afin de faciliter au mieux une infiltration.

Hervan baissa les paupières dans sa simplicité habituelle :

— Encore mieux, je t'ai arrangé un diner avec Nilcalar.

Gloire et Déchéance - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant