Morgal vida pour une énième fois sa gourde. Il se sentait beaucoup mieux. Du moins physiquement. Car dans sa tête, c'était un véritable boxon. Ses émotions se mélangeaient dans une cacophonie assourdissante. Il en avait assez. Il voulait que ce mauvais rêve se finisse et que Malgal revienne.
Mais la réalité était autre ; comment dire à sa famille que son frère avait été dévoré par un démon ? ils le prendraient pour un fou.
— Ne fais pas ça mon chou, commenta la sorcière.
Morgal sursauta en la voyant assise sur son lit.
— Mais qu'est-ce que vous faites là ?! Comment...
— Je suis une Réceptacle depuis longtemps : je sais gérer la téléportation.
— La...
— Oui, c'est pratique mais fatiguant... Enfin, je vois que tu es en piteux état !
— Vous saviez ce qu'il arriverait ? interrogea-t-il avec un début de colère dans la voix.
— Pas exactement, pour tout t'avouer. Mais je suis venue pour t'interdire de divulguer ce qu'il s'est passé. Personne ne doit croire que tu es un Réceptacle. Or, les démons n'attaquent jamais d'autres créatures que les Réceptacles. Si tu leur dis la vérité, ils feront le lien.
— Pourquoi dois-je rester dans le mensonge pour ma nature et pour la mort de mon frère !?
— Parce qu'imagine si quelqu'un de malintentionné voulait mettre la main sur les pouvoirs des dieux ? On t'arracherait les yeux pour récupérer tes larmes.
— Mes larmes ?
— C'est là que se concentre la magie des races. Ne me demande pas pourquoi, c'est comme ça.
Morgal ferma les yeux en soupirant et retomba sur son oreiller. Djinévix en profita pour se relever et partir.
— Encore une chose, l'elfe, regarde-toi attentivement dans une glace. Tu pourrais avoir quelques surprises.
Sur ce, elle disparut dans un nuage de cendres. Morgal ne fut pas mécontent de son départ mais resta interloqué par sa dernière phrase. Que voulait-elle dire ?
Il se leva à son tour, aussitôt pris de vertiges, et claudiqua jusqu'à son miroir. Son corps entier lui faisait souffrir mais comparé à son âme, ce n'était rien. Il craignait se retrouver face à un visage ravagé où se lisait la faiblesse et la maladie. Mais étonnamment, il ne vit rien de tout cela. Il s'approcha encore pour mieux discerner les potentiels changements. Rien.
Il tira la langue, après tout peut-être était-elle devenue verte ?
Il faillit tomber par terre en remarquant sa dentition. Que lui était-il arrivé ? La panique s'empara de lui en observant ses crocs démesurés ; était-il en train de se transformer en monstre ?
Il fit volte-face sans lâcher ses dents de ses doigts et se précipita vers les bocaux. Il les trouva remplis de sang.
Depuis tout ce temps, il buvait du sang ! Une envie de vomir lui prit : c'était vraiment trop. Son esprit explosait. Il jeta un regard par la fenêtre, se demandant s'il pouvait s'enfuir : lorsque la cour découvrirait sa tare, elle se débarrasserait de lui comme un pauvre déchet. Mais la nuit était déjà avancée et avec le meurtre de son frère, les gardes patrouillaient dans chaque rue.
Malgal... Pourquoi était-il parti ? Ce n'était pas lui qui devait mourir. Les visions hypothétiques s'étaient montrées traitresses.
À ce moment, la douleur lui ravageait l'âme. C'était injuste. Et Malgal lui manquait. Il creusait un vide béant en lui.
Morgal hoqueta en sentant la crise se manifester. Il devait mettre fin à ce calvaire, à ce cauchemar. Il devait retrouver Malgal par tous les moyens, dut-il utiliser la magie la plus noire pour le ramener. Mais une solution bien plus simple lui vint à l'esprit.
Le palais demeurait silencieux en cette triste nuit. Morgal marchait silencieusement dans les couloirs, toujours en vêtements de nuit. Il s'engagea dans le balcon intérieur qui tournait en même temps que les murs de la coupole centrale.
Après quelques mètres, il s'assit sur la balustrade, ses jambes pendant dans le vide. Le sol lui paraissait si loin, à une dizaine de mètres plus exactement. Il ne savait si une chute de cette hauteur provoquerait la mort. Peu lui importait. Ce n'était pas son plan.
Il préféra regarder le palais endormi avec nostalgie, au temps où son jumeau l'accompagnait partout. Sa voix, son odeur, sa présence, lui manquaient. Mais ces jours étaient révolus. Malgal était parti et il ne reviendrait plus...
Alors c'est sans regret que le prince noua la corde à un des barreaux de la balustrade et se laissa tomber dans le vide. La corde se tendit dans un claquement sec. Et le corps se balança dans le vide avant de se stabiliser dans une inertie fatale.
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Gloire et Déchéance - Tome 1
FantasyMorgal a jusqu'ici vécu dans un luxe débridé sans réellement se soucier des responsabilités qui incombaient à son rang. Issu de la plus haute maison elfique de Calca, il voit sa vie basculer lorsqu'il est envoyé avec son frère jumeau dans une école...