Chapitre 17

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Cette fois-ci ce ne fut pas le doux chant des oiseaux qui le réveilla mais un cri suraigu qui fit vriller ses tympans sensibles.

Morgal ouvrit difficilement les yeux dans une grimace non dissimulée avant de croiser la mine effarée de son hôtesse. Qu'est-ce qu'il lui prenait de hurler comme ça dès le matin ? Peut-être le fait qu'il ne portait pas de chemise et que ses blessures infectées n'avaient rien de glamour. Ou bien, qu'elle venait de trouver une créature non-humaine dans sa maison...

C'était sans doute ça...

Elle descendit l'échelle à toute vitesse, appelant son mari d'une voix paniquée. Morgal se jeta sur ses vêtements avec la ferme envie de décamper avant que les choses ne se gâtent. Apparemment, les habitants du village n'appréciaient guère les elfes. Le contraire l'eut étonné...

Il enfila sa chemise déchirée et ses bottes en quatrième vitesse et se précipita vers ses bagages ainsi que ses armes. Avec cette histoire, il n'aurait sans doute pas le temps de seller Alaxos. Tant pis, il partirait sans ; dans la forêt, personne ne pourrait le rattraper.

Mais avant qu'il n'ait quitté la forge, un fantastique coup marteau lui faucha les jambes et il se retrouva sur les fesses devant un homme plus que déterminé.

— Oups.

Le forgeron l'empoigna par le collet comme s'il attrapait un chat par la peau du coup et le plaqua contre une palissade solide.

— Te sauve pas le diable, gronda-t-il le timbre grave, on laissera jamais un esprit comme toi quitter ainsi le village.

— Mais...

Il n'en revenait pas, totalement abasourdi par les croyances de ce villageois. Enfin, de ces villageois, car un groupe d'hommes se pointa sous le toit de la forge, armés d'ustensiles d'agriculture. Quelques gardes se joignirent à la joyeuse bande, l'épée au poing.

Morgal leva les yeux au ciel : dans quel pétrin s'était-il encore mis ? Il en avait assez. Malheureusement, il n'était plus maître de la situation ; les menaces et les vitupérations des paysans en attestaient.

— Tuons-le avant que nos récoltes ne soient maudites ! lança un énergumène bedonnant en agitant sa fourche.

— Non, rétorqua un autre avec empressement, il faut l'enfermer jusqu'à la fin de l'hiver, sinon, le bétail risque d'attraper la gale !

— Il va attirer le mauvais œil sur nous et nos enfants !

— Les loups viendront attaquer nos murs !

— Il faut le noyer !

— Mais non, couillon, c'est un gnome, pas une sorcière.

Dans d'autres circonstances, Morgal aurait ri mais là, il se trouvait en bien fâcheuse position. Les villageois lui lançaient des regards haineux alors qu'ils s'arrangeaient sur la manière dont ils allaient se débarrasser de lui. Le forgeron le tenait toujours en respect, aussi hésita-t-il à lui faire remarquer qu'il avait sauvé sa fille, la veille. Mais cela risquait de porter préjudice à la gamine.

Décidément, son aventure empirait de jour en jour. Pourquoi dans les histoires, le héros parvenait toujours à se surpasser et à échapper à de si misérables adversaires ?

Parce qu'il n'était pas question que lui, fils du roi Elaglar Fëalocen, meure de la main de stupides paysans.

— Le feu !

— Brûlons-le ! Il en restera rien !

— Quoi ?!

Sa voix s'étrangla, en imaginant la morsure des flammes. Il se dégagea de la poigne du forgeron en lui lança son genou dans le ventre. Ce dernier recula précipitamment, plié en deux. Mais Morgal n'avait pas fait cinq pas que tout le groupe s'abattit sur lui, manquant de l'étouffer. Chacun le tenait responsable de ses propres malheurs, ce qui allait du simple vol à la mort de la grand-mère en passant par l'infidélité de l'épouse. Si la situation lui paraissait totalement surréaliste, il devint bien plus préoccupé par les coups qui commençaient à pleuvoir sur lui. C'était pendant ce genre de moments que ses pouvoirs auraient dû se réveiller mais ces derniers décidèrent de dormir encore, pensant probablement qu'il ne faisait pas bon dehors. Et pour cause, Morgal se retrouva sonné, étalé sur le ventre, à manger la poussière. Un goût de fer lui emplissait la bouche alors que son nez se vidait de sang. D'insupportables douleurs naissaient sur tout son corps et sa vue se brouillait. Par la même occasion, certaines vieilles blessures se rouvrirent, ce qui n'améliora en rien son état.

Gloire et Déchéance - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant