Chapitre 11

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Sous la pluie, Ur-Nabal paraissait bien moins accueillant. Lorsque Morgal traversa la cour, suivi de Currunas, il sentit tous les regards se poser sur lui avec un mélange de pitié et d'interrogation. Il détestait ça. Il avait l'impression d'être une bête de foire. Heureusement que les apprentis ignoraient sa récente maladie.

Mais après tout, ils avaient raison : il n'était plus comme eux. Morgal était désormais un elfe doté d'une nature de Réceptacle et atteint d'un syndrome qui le rendait instable.

Quand il parvint au salon du deuxième étage, ses amis se précipitèrent vers lui pour l'entourer. Seule Pindy demeura à l'écart.

— Comment te sens-tu ? interrogea Ruinax d'un air inquiet.

— Bien...

Sa réponse manquait grandement de conviction mais après tout, sa blessure au ventre était guérie. Donc d'une certaine manière, il demeurait en bonne santé.

— Tu nous as fait une belle frayeur, renchérit Néo, mais si t'as besoin de quoi que ce soit...

Morgal hocha la tête en murmurant un merci. Mais ces amis ne pouvaient lui rendre ce qu'il avait perdu. Lalith s'aperçut de son état et attendit que le groupe s'éloigne pour lui murmurer.

— Tu veux qu'on en parle, toi et moi ?

Il secoua la tête :

— Non, c'est inutile. Tout ce qu'il me faut c'est du temps.

— Tu... Tu as changé, Morgal.

Il porta instinctivement la main à sa bouche. Mais apparemment ce n'est pas ce dont parlait son amie.

— L'étincelle de joie qui était dans tes yeux est partie...

— Elle est enterrée avec le corps de Malgal.

Lalith baissa la tête : elle le voyait noyé dans une détresse infinie. Elle voulait l'aider mais comment ?

— Qu'est-il arrivé à tes dents ?

Il se pinça les lèvres. Devait-il lui dire la vérité ?

— Tu as raison, Lalith, je ne suis plus tout à fait le même. J'ai contracté un syndrome vampirique...

Elle fronça les sourcils devant l'étrangeté de la situation :

— Cela ne change rien pour nous, Morgal.

— Merci.

Il la serra dans ses bras et recula, préférant ne pas avoir affaire avec son fiancé.

— Où est Currunas ? demanda-t-il.

— Je l'ai aperçu dans les écuries, assura Ruinax, il faisait l'inventaire de ses bagages.

— « Jamais là quand il faut, cet imbécile ! »

Morgal les salua et guida ses pas vers le grand bâtiment allongé qui embaumait la chaleur animale. Avec l'hiver, le soleil s'était déjà couché et une pluie glaciale perçait son épais manteau sombre. Le prince ne savait qu'à partir de l'enterrement, il ne se départirait jamais de cette couleur. Elle le suivrait comme un sombre présage, reflet de ses émotions.

Une douleur aigue se fit sentir dans sa gorge en même temps qu'une soif tenace. Il devait vraiment retrouver le mage car ses besoins étaient pressants. La gourde qui pendait à sa ceinture était vide, aussi accéléra-t-il le pas vers les écuries. Il poussa la porte de bois et se retrouva submergé par les effluves de pailles séchées et de crottins. Quelques gnomes déambulaient dans l'allée pour remplir les mangeoires.

Gloire et Déchéance - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant