Gloire et Déchéance - Tome 1

Chapitre 39

Malgré la semaine éprouvante, Morgal ne parvint à fermer l'œil de la nuit. Qu'avait voulu lui dire Jenny ? Elle le lui dirait bien le lendemain, après tout. Même si Locea avait semblé s'opposer à cette information. Pourquoi ? Y avait-il un lien avec son statut de prince ? Il ne l'espérait pas. Mais Hervan n'avait pas certifié qu'il aurait un rôle primordial dans la mission ?

Lassé de toutes ces questions qui s'entrechoquaient dans sa tête, il décida de se lever. Locea semblait dormir profondément, aussi n'eut-il pas de mal à s'extirper de la chambre.

La fraicheur de la nuit lui apportait le plus grand bien. Il enfila un pantalon et une tunique et s'aventura hors des appartements privés.

S'il pensait que les couloirs seraient très animés suite à la fête, il se trompait lourdement. Un silence pesant régnait dans le palais. À vrai dire, il n'allait pas s'en plaindre, ce dernier détail apportait à son âme l'effet d'un baume guérisseur. Enfin un peu de paix.

Ses pieds nus rencontraient les dalles de marbre sans effectuer le moindre bruit. Morgal avait l'impression d'avancer dans un palais enchanté, abandonné de toutes créatures vivantes. Seuls les voilages des fenêtres continuaient à danser, tels des fantômes nostalgiques de leurs anciennes vies.

Brusquement, une senteur titilla ses narines et lui fit l'effet d'une drogue délicieuse. Du sang ! Il y avait du sang, quelque part.

Le prince regretta amèrement de ne pas avoir songé à entamer sa gourde pendant la journée et la soirée car il était désormais incapable de repousser son envie de satisfaire sa soif.

Guidé par un instinct puissant, il emprunta les escaliers et descendit dans les étages inférieurs. Si quelques patrouilles croisaient son chemin, il ne rencontrait aucun mal à se planquer et continuer son chemin jusqu'à sa cible.

Mais petit à petit, le décor changea. Les couloirs se rétrécirent, les plafonds s'abaissèrent et le luxe disparut.

Ses pas le guidaient toujours plus loin dans les caves du palais. Comme des voix résonnèrent dans les sous-sols, il rabattit instinctivement sa capuche sur sa tête, comme pour ne pas être reconnu.

Brusquement, des cris de souffrance montèrent d'un escalier en colimaçon qui se perdait dans l'obscurité.

Toujours guidé par son désir de sang, Morgal ne se méfia pas de ce qu'il pouvait rencontrer à l'étage inférieur. Il pensa qu'il s'agissait probablement de prisons où l'on questionnait un malheureux. Peu lui importait tant qu'il pouvait répondre à ses pulsions sanglantes.

Le couloir sur lequel il déboucha était flanqué de plusieurs portes et éclairés de quelques torches qui renvoyaient des couleurs chaudes sur les murs de pierres grossières.

Une porte claqua et un homme se jeta dans le couloir. Comme pris d'une fatigue extrême, il s'affala contre un mur et tenta d'avancer pitoyablement en prenant appui.

L'elfe reconnut immédiatement l'un des gardes du roi, le plus grand des deux. Son pantalon était recouvert de taches rouges et il devina sans mal que l'inconnu crachait du sang sous son masque.

Que faisait-il là et surtout, comment pouvait-il se trouver dans un tel état ? Jenny n'avait pas affirmé que les Tigres du roi étaient presqu'invincibles ?

Plus curieux que voulant aider, Morgal s'approcha du blessé, les sens en alerte.

Ce dernier tremblait mais ses yeux dont le maquillage coulait reflétait une terreur viscérale. Ce n'était plus un homme mais simplement une bête en fuite.

— Où est encore passé Draël ?!

Morgal se retint de respirer, reconnaissant la voix du grand-prêtre. Instinctivement, il rattrapa le blessé qui s'écroulait d'épuisement.