Gloire et Déchéance - Tome 1

Chapitre 24

Des gouttes tombaient à répétition dans les tunnels et emplissaient les cavités de ce son répétitif et éprouvant pour les nerfs. Morgal traina la chaine avec lui : c'était bien la seule arme qu'il avait trouvé avec une pierre tranchante.

Sur les murs, d'étranges frises d'un ancien temps décoraient ces lieux lugubres. Peut-être racontaient-elles tout le faste et la puissance de l'ancien monde. Une entité souveraine semblait d'ailleurs prédominer sur chaque peinture mais le visiteur ne s'y intéressait guère. Il comptait seulement retrouver l'humaine et la ramener de l'autre côté de la grille.

À ce moment, il longeait une profonde crevasse qui se perdait dans les ténèbres.

Sa vue perçante parvint à distinguer la silhouette frêle de l'adolescente, recroquevillée au fond du souterrain.

Morgal inspira et s'approcha d'elle sans faire de bruit.

— Pourquoi avez-vous crié ? murmura-t-il.

— Les serpents sont extrêmement sensibles aux bruits, expliqua-t-elle en relevant la tête, il allait vous dévorer...

— Heu... Bien... Sortons de là.

— Il nous observe. Jamais il ne nous laissera sortir d'ici.

— On ne perd rien à essayer : je ne préfère pas mourir de faim ici.

Il lui saisit le poignet pour la relever et la guida vers la porte. Comme attendu, l'énorme serpent se manifesta derrière eux, sifflant d'hostilité.

— Courrez !

La jeune fille s'élança aussi vite que ses jambes fatiguées lui permettaient.

Morgal resta en retrait et faisant face au monstre, commença à faire tournoyer la chaine dans des moulinets rapides.

Les yeux fendus de la créature se rétrécirent davantage et elle fondit sur lui. L'elfe tendit le bras et laissa la chaine s'enrouler à toute vitesse sous la tête du serpent. Et sans plus attendre ni lâcher les maillons, il sauta dans la crevasse. Le reptile suivit aussitôt mais ne tarda pas à se retrouver coincé dans l'étroite fissure. Sous lui, Morgal se rattrapa à une prise et jeta un regard sur le ventre de la bête, exposé. Il tira alors de toutes ses forces sur la chaine pour bloquer davantage le reptile entre deux rochers.

Profitant de l'état de panique du serpent, il saisit sa pierre et l'enfonça de toutes ses forces dans le ventre que la carapace ne recouvrait pas. Le sifflement suraigu accompagné d'un hurlement résonna à ses tympans sensibles en même temps que le corps longiligne se secouait dans tous les sens pour échapper à l'étau dans lequel il s'était fourré.

Le prince inspira longuement et continua à ouvrir le ventre, en équilibre, un pied sur chaque paroi.

Un sang brûlant ne tarda pas à se déverser sur son front et le haut de sa chemise mais il persévéra dans son éventration. Ne se préoccupant plus des sifflements persistants de l'animal, il enfonça davantage la pierre et cette fois-ci, le foie lui tomba sur les épaules, accompagné successivement de l'intestin et des poumons. Tous ses organes se déversèrent dans un affreux bruit macabre spongieux.

Petit à petit, les tressautements du reptile se calmèrent et un affaissement général du corps manqua d'étouffer Morgal. Ce dernier parvint à échapper au poids du prédateur et se hissa tant bien que mal jusqu'au couloir.

Là, il claudiqua lamentablement vers la porte, son corps ne lui semblant être plus qu'une plaie ouverte et infectée. Devant les grilles, l'humaine l'attendait. Heureusement que l'obscurité cachait son état déplorable mais l'odeur de tripes devait sans doute être suffisante pour se donner une idée.