Épilogue

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Noir. Tous ceux que je vois ne sont qu'obscurité.


J'ajuste ma robe qui a tendance à remonter et inspire bruyamment. Je chasse une nouvelle fois les larmes qui perlent devant mes yeux. Mon col rond est suffisamment ample pour laisser ma gorge dénudée, mais j'ai tout de même l'impression d'étouffer.


C'est une belle journée. La neige réverbère le soleil qui luit dans le ciel, mais le cœur n'est pas à la fête aujourd'hui.


Quatre jours ont passé. Quatre jours teintés de questionnements et d'inquiétude. Quatre jours interminables, mais c'est aujourd'hui que se paient les conséquences. Mon indécision est sur le point de me coûter cher.


La nouvelle année aurait dû être une délivrance, pourtant, c'est le cœur lourd que j'avance péniblement sur le chemin déneigé du cimetière. C'est pourtant une belle journée... j'essaie de me concentrer sur mes mouvements pour ne pas penser, pour ne pas pleurer. Un pas, puis un autre. Encore et toujours. Un éternel recommencement.


Mon âme se réchauffe doucement lorsqu'une main se glisse dans la mienne. Aussi sombre soit cette journée, je sais que je ne suis pas seule. Véia est avec moi pour m'aider à traverser cette épreuve. Pourtant, les choses ne sont pas non plus faciles pour elle... Lorsqu'elle a cherché à avoir des nouvelles de Sam et qu'elle ne l'a pas trouvé... Ça l'a anéantie. J'ai été présente pour elle bien sûr. Elle m'a d'abord un peu rejetée, mais avec les événements passés... je ne m'en suis pas offusqué et je suis restée même lorsqu'elle me demandait de partir. Aujourd'hui, c'est pour moi qu'elle est présente.


Nous nous rapprochons du cercueil fermé qui est là pour sauver les apparences, mais nous savons bien qu'il est vide, malheureusement. Après mon choix, certains êtres ont juste cessé d'exister et se sont volatilisés. Enfin, à quelques mètres du regroupement, tous les regards se tournent vers moi tandis que je ne cesse de regarder la photographie de cet homme que je connais trop bien. Cet homme qui s'est dévoilé depuis que je suis l'Indécise. Cet homme que je ne pourrais plus jamais voir. Sur cette photographie, mon père sourit et il semble heureux. Je n'ai pas besoin de chercher qui l'a prise : c'est ma mère. Ce regard, il n'y a qu'à elle qui le réservait.


C'est la première fois que je vois ma mère muette. Lorsqu'elle est venue me retrouver à mon appartement sans me prévenir le 2 janvier, j'ai su ce qu'elle allait m'annoncer. Elle n'est pas retournée chez elle lorsque le bateau de croisière a accosté. Mon père a eu raison de prévoir ce voyage, elle se souviendra au moins de ça...

Elle m'a montré une lettre qui lui avait laissé en lui disant que tout irait bien pour elle, qu'il allait partir, qu'il était mourant et qu'il l'aimait. Lorsqu'elle s'est réveillé le 1er janvier au matin et qu'elle a découvert la lettre, elle pensait à une mauvaise blague même si ce n'était pas le genre de mon père. Jusqu'à ce qu'elle écume le bateau et qu'elle ne le retrouve pas. Elle a naturellement signalé sa disparition à l'équipage et personne n'a pu savoir où il était parti. Ils ont donc averti les autorités en décrétant qu'il avait sauté en mer pour se suicider, sa lettre d'adieu étayant cette thèse. Ma mère connaissait suffisamment mon père pour savoir que cette histoire est impossible, mais qui écoute une femme laissée à l'abandon ? Ça me crève le cœur de savoir que je ne peux pas lui dévoiler la vérité. Je sais qu'elle sera changée à tout jamais, et même si nos relations ne sont pas toujours au beau fixe, j'aimerais pouvoir l'aider. Mais avant de l'aider pour son chagrin, je dois aussi faire mon deuil... Mon père est mort. Mon père est mort par ma faute. Il était face à moi à m'appeler et je ne l'ai pas sauvé. Cette image restera gravé dans mon esprit à jamais. La culpabilité sera toujours présente en moi.

Après avoir recueilli les condoléances de plus de personnes que je ne peux en compter, je quitte ma mère pour ramener Véia sur le campus.

Le trajet en voiture est long et silencieux, ce qui ne nous ressemble pas. L'atmosphère est pesante. Après de longues minutes, je franchis le cap et me décide à parler :

IndéciseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant