37.

165 16 11
                                    

C'est assez étrange comme sensation. Pour moi, et avant tout, les fêtes de Noël signifient la famille et les retrouvailles autour d'un dîner préparé tous ensemble. Cette année, mes parents sont en voyage, je ne sais où.

Mes souvenirs heureux en famille ne sont pas très nombreux, pourtant, Noël a toujours été parmi ces bons moments. L'odeur du sapin, les guirlandes colorées, le goût des biscuits à la cannelle... Mais cette année, ça sera différent.

Je n'arrive pas à me décider : est-ce que je suis soulagée de ne pas vivre un Noël plein d'émotions sans me dire que ce sera sans doute le dernier ? Ou est-ce qu'au contraire, je n'aurai pas plus profité de celui de l'année passé si j'avais su que c'était le dernier ? Quoi qu'il en soit, ça ne change pas grand chose.

Oh bien sûr, Vé m'avait proposé de le passer avec elle, mais je ne m'en sentais pas capable. Je mens à tellement de monde, et devoir assister aux mensonges de mon amie à sa famille... De plus, c'est toujours particulier les fêtes chez eux... Depuis le décès de son père, les fêtes sont un moment de recueillement. Même si je fais presque partie de la famille, je ne me sens pas légitime pour assister à un moment si privé. D'autant plus que je ne suis pas la seule à (peut-être) passer mon dernier hiver. S'il s'avère que c'est le dernier de Véia, je refuse de m'imposer à sa mère pour le dernier souvenir en famille avec sa fille. Elle a déjà beaucoup trop souffert dans sa vie, elle doit pouvoir profiter de sa fille.

J'ai prévu de passer quelques moments avec mon amie un autre jour. Je me voile un peu la face, mais je me dis que j'aurai le temps. Il me reste 6 jours avant le revirement final. Ça devrait suffire à ancrer de merveilleux souvenirs dans mon âme.

Une tasse de chocolat chaud à la cannelle dans la main, je suis face à la grande fenêtre de mon appartement à contempler la neige tomber autour du banc en contrebas. La neige rend tout si féerique. On oublierait presque que je suis sur le point de mourir. Presque... Enfin, peut-être que je ne vais pas mourir et que j'assisterais simplement au décès de mon père, de ma meilleure amie ou bien de mon âme sœur, il y a de quoi se réjouir.

Un soupire s'échappe de mes lèvres. Je pensais avoir dépassé le stade de l'auto-apitoiement mais il semblerait que ce n'est pas encore le cas.

Sans y faire attention, les flocons de neige s'entremêlent en tourbillonnant au rythme de mes pensées. J'aurais beaucoup aimé savoir faire danser la neige plus tôt.

Je retourne m'asseoir sur mon sofa pour reprendre ma lecture rituelle de Noël : Les contes de Noël de Dickens. Après tout, il faut que je profite des petits plaisirs et celui là en est clairement un. Malgré tout, je ne me sens pas seule. Même s'il n'y a personne dans mon appartement, je sens la présence de Jason qui me réchauffe l'âme. Il n'est pas là, mais il n'est pas loin. Depuis que nous savons ce que nous sommes l'un pour l'autre, notre lien s'est accentué. Je pense qu'en me concentrant, je pourrais remonter ce lien par la pensée pour le localiser. Jusqu'alors, il aurait fallu que je suive sa trace en tentant de me rapprocher de lui, maintenant c'est inutile.

Mes autres sens se sont aussi affûtés, c'est pourquoi, je sais sans l'ombre d'un doute que quelqu'un monte dans les escaliers de l'immeuble. Je sens qu'il est mortel, mais je ne distingue pas qui il est. Un basculement en mode aura me confirme que celle-ci est bleue et je suis face à la porte avant même que la personne ne puisse prendre le temps de toquer.

J'ouvre celle-ci dans l'appréhension et tombe face à un livreur.

— Mademoiselle Sanders ?

— Bonjour ?

— Bonjour, j'ai un colis pour vous.

— Le jour de Noël ? demandé-je estomaquée qu'un livreur se déplace ce jour-là.

IndéciseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant