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Mon appartement est un petit studio à proximité de la faculté. Évidemment c'est un logement d'étudiante, donc ce n'est pas très spacieux. Mais c'est chez moi et je m'y suis habituée, depuis bientôt un mois que je l'occupe. Certes j'aurai pu avoir une chambre sur le campus, moins chère et mieux située. Cependant, non seulement, les places étaient limitées, mais en plus, j'ai pris goût à mon indépendance lors de l'année passée à enchaîner les petits boulots. Et soyons clairs, partager ma chambre et ma douche me parait intolérable.

Je laisse mon père pousser la lourde porte en métal sombre de mon studio. Il est situé au deuxième étage d'un grand bâtiment qui ressemble davantage à une ancienne usine désaffectée qu'à un immeuble.

J'ai senti la douleur résonner dans mes jambes à chaque marche que je gravissais pour arriver au bon niveau. Je suis soulagée de ne pas avoir à me battre pour ouvrir cette satanée porte. Les murs en béton gris m'ont manqué. Le blanc immaculé de l'hôpital ne me semblait pas très naturel, et un peu trop vif quand on s'est habituée aux murs gris et aux lumières chaudes et tamisées jaune orangé.

L'odeur qui se dégage de mon appartement m'emplit immédiatement de sérénité. Bien loin de l'ambiance aseptisé de l'hôpital, mon studio exhale un parfum de vieux livres et de bougies à la cannelle. Ça y est, je suis à la maison.

Une fois la porte d'entrée passée, on arrive directement dans la pièce principale. Devant moi se situe un canapé dans le style scandinave bleu clair et une table basse en bois gris ainsi qu'un fauteuil bleu foncé dont le style est assorti au canapé. Sur la droite de ce coin salon se trouve le coin chambre, délimité par un paravent ajouré, dans le style effet fer forgé et sur lequel se dessinent des motifs de feuilles.

Derrière ce paravent il y a mon lit, ma commode et un miroir psyché dans l'angle de la pièce. En face du canapé, on retrouve le côté cuisine, délimité par un bar contre lequel j'ai troqué les tabourets pour une télévision et une bibliothèque basse en bois dans les tons de gris également. La lecture étant l'un de mes passe-temps préféré, ce meuble est bien trop petit pour recueillir tous mes ouvrages, c'est pourquoi on trouve des livres dans tous les coins du studio.

Entre le fauteuil et le paravent, une porte blanche mène à la salle de bain minuscule composée d'une douche, d'un lavabo surplombé d'un miroir, et d'un WC. Les murs et le sol de la pièce sont recouverts de carrelage blanc et rose pale, presque beige, dont les motifs devaient initialement permettre au carrelage de ressembler à du marbre, sauf qu'en l'état, il est difficile de distinguer les taches qui ornent le sol des saletés qui peuvent s'y rependre, ce qui donne un certain aspect négligé à cette pièce.

J'enlève ma veste et je remercie intérieurement mes parents d'avoir pensé à me prendre des vêtements que j'avais laissé chez eux ; je suis ravie de ne pas avoir eu à traverser la ville en blouse d'hôpital avec les fesses à l'air. Je la pose sur le dossier du fauteuil dans lequel je m'installe, pendant que ma mère se dirige frénétiquement dans la cuisine et commence à nettoyer la vaisselle en retard qui stagne dans l'évier.

Entre le travail, deux soirs par semaine en plus du dimanche, et les études ; les travaux de groupe, les révisions, les examens à préparer... il est vrai que je me laisse un peu dépasser par les tâches ménagères. Mais je me suis battue pour mon indépendance et je refuse de faire un pas en arrière en laissant ma mère s'occuper de moi comme lorsque j'étais encore une enfant.

— Je m'en occupe ce soir Maman, ce n'est pas utile de me faire du ménage maintenant.

Ma mère ne me répond pas, comme je m'en étais douté. Depuis toute petite, j'ai ce souvenir de ma mère qui fait le ménage à chaque difficulté rencontrée. Je l'ai vu récurer la maison de fond en comble quand je me suis cassé la jambe en jouant au football avec les garçons de l'école, ce qui n'est pas digne d'une fille soit dit en passant. Je l'ai vu nettoyer les carreaux, jusqu'à ne plus distinguer la vitre du vide, lorsqu'une mère de la banlieue où je vivais avait appelé ma mère pour lui dire qu'elle m'avait vu tenir la main d'un garçon à mes 15 ans. Je l'ai vu terrasser le moindre grain de poussière quand je lui ai annoncé que je déménageais à 100 km de la maison et que je n'irai pas à la faculté. Ça me semblait donc naturel de la voir décrasser mon studio en rentrant des urgences.

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