Chapitre 6-2

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— Tu penses ? Demandai-je en chuchotant.

Dès qu'ils partent, on attend une dizaine de minutes et on y va. Il n'y aura sûrement plus rien à voir après ça et il faut absolument qu'on prévienne les autres.

— Je ne pense pas que ce soit si pressé que ça. Dans tous les cas, ils vont le savoir et ça ne changera rien à la date prévue. Disais-je pendant que le camion reprenait la route du sens contraire.

— Ça ne change peut-être pas la date, mais on était censé sauver que quinze enfants environ. Là, c'est quand même dix de plus, ça va être beaucoup plus complexe.

— Bah tu sais quoi, va les prévenir, moi je reste là.

— Pourquoi ? Il n'y aura plus rien d'intéressant maintenant. Et clairement je ne suis pas trop pour. Te laisser toute seule ce n'est pas l'idée du siècle.

— J'ai certainement pas ta capacité à fuir grâce à ton pouvoir, mais je sais me défendre et tu le sais. S'il y a un problème majeur ne t'en fais pas, je saurai comment m'en sortir.

Il soupira avant de hocher la tête puis sans un bruit, il disparut. Comme s'il n'avait jamais été là. Je me concentrais alors sur le bâtiment en face de moi, attendant qu'il se passe quelque chose. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais l'impression qu'il ne fallait pas que l'on parte, qu'il y aurait encore quelque chose, sauf que je ne savais pas si c'était de l'intuition ou le doute de peut-être louper quelque chose. Quelques minutes après, une femme habillée en costard sortit du bâtiment au téléphone. C'était une grande blonde à qui le costard lui donnait des airs de parrain de la mafia. Elle semblait énervée alors qu'elle hurlait sans interruption au téléphone :

— Ça fait cent fois que je te dis que j'ai plus de place ! Y a des centres partout, pourquoi tu me les casses à les envoyer ici ? ... Mais non, ce n'est pas une question de bouffe, les ordres sont clairs là-dessus, si on n'a pas assez on retire à ceux qui peuvent rester plusieurs jours sans manger. Ce qui ne va pas par contre, c'est que je ne suis pas censé avoir des putains de gosses ! J'ai déjà accepté la dernière fois parce que tu m'as supplié, mais là c'est bon, tu arrêtes ! ... Comment ça il faut que j'arrête de faire ma rabat-joie ? Écoute, ça fait quelques semaines qu'il y a des comportements suspects autours du bureau alors je n'ai pas que ça à faire. Tes gosses à la con la prochaine fois tu les gardes !

J'espérais tant bien que mal entendre la suite, mais elle se rapprocha de l'entrée avant de raccrocher et de rentrer. La conversation s'était arrêtée là, et même si je voulais savoir ce qu'elle entendait par comportement suspect, j'étais quand même contente d'avoir suivi mon instinct. Cependant, je revins rapidement à la réalité, ce qu'elle disait comme suspect, ça ne pouvait pas être nous puisque l'on venait seulement d'arriver, et si ce n'était pas nous... Qui était là aussi ? J'avais beau réfléchir, je ne comprenais pas qui d'autre que nous pouvait vouloir attaquer un QG aussi éloigné de la civilisation. De plus ma tête commençait à me faire légèrement mal, c'était supportable, mais je savais qu'au vu de l'heure ça n'allait pas aller en s'arrangeant. Je me massais les tempes quand j'entendis des bruits de pas derrière moi. Je me retournais alors prête à me battre si besoin, mais quand je vis Raphaël accompagné de Liam et Gabriel, qui devait prendre le tour d'après, je me détendis et repris ma place comme si de rien n'était en soupirant.

— Quoi de neuf ? Me demandait Raphaël.

— Une femme, sûrement la patronne, répondis-je en passant ma main sur mon front, elle était au téléphone avec quelqu'un et... Elle parlait d'activité suspecte dans les environs depuis quelques semaines. Tu vois que j'ai bien fait de rester. Dis-je avec un sourire que j'espérais convaincant, mon mal de tête étant de plus en plus fort.

— Je me fierai plus souvent à ton instinct alors !

Gabriel et Liam sourirent aussi avant de passer devant moi et de se rapprocher du muret. Raphaël qui était resté à l'arrière et qui était maintenant à côté de moi me regardait d'un air inquiet.

— Ça va ? Tu n'as pas l'air au top de ta forme.

— J'ai un peu mal à la tête, ça ira mieux une fois que je serai dans un lit.

— Vous feriez mieux d'y aller alors, nous disait Gabriel, on prend la suite. Il me regardait ensuite d'un air inquiet, fais attention à toi.

Je bredouillai un petit merci en baissant les yeux. Avec ce que m'avait dit Raphaël tout à l'heure, j'avais du mal à le voir sans me demander ce qu'il pensait de moi. J'avais envie de savoir, mais en même temps je ne voulais pas que notre amitié change, et c'est cette contradiction qui faisait que j'avais du mal à le regarder dans les yeux plus de deux secondes. Il sembla d'ailleurs un peu surpris par ma timidité soudaine, mais ne fit aucun commentaire et se contenta de se gratter nerveusement la nuque.

Raphaël m'aida ensuite à me redresser et ensemble nous partîmes discrètement, malgré ma tête qui semblait empirer de seconde en seconde. L'hôtel étant un peu plus loin dans le village, je décidais de m'arrêter près d'une vieille maison aux vitres cassées pour respirer un peu et essayer de tenir un peu mieux debout.

— Tu ne devrais pas perdre ton temps avec ces conneries Pandore...

Je me retournais frénétiquement à l'entente de la voix avant de me rendre compte que cela venait de ma tête et que personne d'autre que moi ne pouvait l'entendre. Une autre voix s'ajouta suivie d'encore plus de voix et ensemble, elles se mirent à parler plus ou moins fort, si bien que je ne pouvais pas les comprendre. La seule chose que je pouvais faire c'était enfouir mon visage dans mes mains en priant pour que ça s'arrête. Raphaël s'approchait alors d'une moi paniquée avant d'essayer de me calmer en prenant mon visage ruisselant de larmes entre ses mains. Cependant, je ne me laissais pas faire et je me reculais vivement.

— Les voix, elles... Elles...

— Calme-toi. Disait-il le plus calmement possible. Tu es en sécurité et ces voix ne correspondent à rien. Regarde-moi, je sais que ça te fait mal, mais si tu ne te calmes pas, ça ne va faire qu'empirer.

Je reniflai alors bruyamment avant de le laisser s'approcher de moi.

— Qu'est-ce qu'elles te disent les voix ? Reprit-il.

J'essayais tant bien que mal de me concentrer sur les voix qui me paraissaient les plus audibles. Ce n'était pas chose facile, mais j'arrivais quand même à distinguer quelques petits bouts de phrase que je prononçais à Raphaël entre deux sanglots.

— Je ne comprends pas... Ça parle de morts, de sang et même de dieux... Raphaël, ce ne sont pas les voix qui sont habituellement dans ma tête, elles... Elles sont différentes. Et elles me font mal.

Il hochait la tête en me disant qu'il s'en doutait et que le mieux c'était que l'on rentre maintenant, avant de me porter sur son dos. Nous n'étions alors même pas arrivé que je tombais dans l'inconscience, la tête posée sur son épaule.

Mes yeux s'ouvraient ensuite, non pas dans ma chambre d'hôtel ou encore dans la rue, sur l'épaule de Raphaël, mais dans une sorte d'infinité blanche. Je tenais debout sur un sol qui me semblait invisible et qui se confondait avec le reste. Si je n'avais pas les pieds posés sur quelque chose, j'aurais pu jurer que je flottais.

— Tu es enfin là...


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