Chapitre 6-1

39 7 0
                                    

Ça faisait quelques heures que l'on était arrivé à l'hôtel abandonné près du bâtiment réservé au MSG. Cet hôtel servait il y a plusieurs années comme endroit de repos pour les gens travaillant dans le coin, mais il avait été fermé peu après l'arrivée des nouveaux directeurs. Ceux-ci avaient décidé que l'hôtel nuisait au bon fonctionnement des affaires confidentielles du MSG qui est une branche assez secrète de l'armée. Ils ont donc été contraints de mettre la clef sous la porte. Aujourd'hui le bâtiment de l'armée est sous couverture. Officiellement, c'est un bâtiment des finances publiques, mais il suffit d'un peu de logique pour comprendre que ce n'est pas le cas. L'endroit était très bien entretenue et paraissait neuf avec ses grands piliers et ses moulures blanches, même si les grandes fenêtres recouvertes de barreaux de fer noir lui donnait un air un peu plus ancien. À côté, l'hôtel et le restant de la ville faisaient extrêmement tâche.

En effet, même si je disais ville, il était plutôt d'un petit village de campagne un peu lugubre du nord du pays, là où l'arrêt des mines avaient fait un grand choc dans l'économie et où la population, qui se faisait de plus en plus mince, était maintenant trop vieille pour pouvoir entretenir le village. C'était le genre de village abandonné, dont personne ne connaissait l'existence et qui était laissé pour compte par le système. Les rues étaient en très mauvais état et il était compliqué pour une voiture de pouvoir rouler sur les routes sans y laisser un pneu. Les maisons n'étaient pas non plus en grande forme, la plupart des devantures étaient noircis avec le temps et les fenêtres étaient recouvertes de carton pour garder un maximum de chaleur. Cet endroit n'était plus que l'ombre de lui-même.

L'hôtel quant à lui, même si l'extérieur faisait peine à voir et était semblable aux maisons à coter, l'intérieur était en meilleur état que ce à quoi Raphaël et moi nous attendions. Aucun jeune ne vivant dans le coin, l'hôtel n'avait sûrement reçu aucun visiteur depuis sa fermeture, et si au contraire, quelqu'un était venu, il n'avait pas dû voler grand-chose. Au vu du nombre, on aurait chacun pu prendre une chambre individuellement, mais j'avais eu du mal à l'idée de dormir toute seule dans ce genre d'endroit. C'est donc tout naturellement que Haiden m'a proposé de prendre une chambre avec elle, je pense que ça la rassurait un peu aussi. Tous autres avaient décidé de faire chambre seul, à part évidemment Raphaël, qui avait presque supplié Téo de le laisser dormir dans la même chambre que lui, et Jace et Enzo, qui nous avaient rejoint et qui, malgré leur malentendu, ne préféraient pas dormir dans une chambre seul.

Il avait été décidé qu'après nos entraînements dans la base qu'il faudrait que l'on se rapproche du MSG pour savoir à quoi exactement on avait affaire. Ce n'était que pour deux ou trois jours, mais c'était nécessaire. Nous sommes donc arrivés discrètement grâce à la téléportation de Liam pour la plupart d'entre nous, les autres préférant compter sur leur propre capacité comme Téo qui en avait profité de s'être changé en oiseau pour explorer les environs. Et comme je n'avais pas réellement de chance, c'était moi qui étais dehors avec Raphaël pour surveiller les allés et venu de nuit.

— C'est chiant... Soupirait Raphaël. On n'a pas vu de mouvement depuis au moins deux bonnes heures.

— Dis-toi qu'on a juste à attendre trois heures du matin, ils viendront nous relayer après. Je pris les petits sandwiches dans la boîte à côté de moi tout en hochant la tête. Et puis ça va, tu as la bouffe pour te tenir compagnie.

— Je n'espérais pas que ce soit quelques sandwiches au jambon qui me tienne compagnie. Disait-il en mordant dans son sandwich avec une moue tragique.

Je rigolais discrètement et me concentrais sur la porte quand il reprit avec un peu plus de sérieux :

— Dis... Y'a un truc entre toi et Gabriel ?

— Quoi ? D'où te vient cette idée ? Demandais-je surprise.

— Oh ne me prend pas pour un con, disait-il en souriant, tout le monde le voit. Peut-être que toi tu ne l'aimes pas, mais vu comment il te regarde, il y a plus que de l'amitié crois-moi.

— Arrête, il m'a toujours regardé de la même façon.

— Bah il t'a probablement toujours aimé !

Je me retournais alors vers lui, après avoir pris une bouchée.

— Son regard n'as rien de bizarre, et dans ce cas, je ne vois pas la différence entre ton regard et le sien.

— Parce qu'il n'y en a quasiment aucune. Dit-il simplement. Moi aussi je t'aime, sauf que ce n'est pas de la même façon, pour moi tu es comme ma petite sœur. Pour lui par contre, ça m'étonnerait qu'il te voit comme quelqu'un de sa famille.

Je restais là à le regarder sans savoir que dire, j'avais envie de dire que ce n'était pas vrai, cela serait plus simple pour moi. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de douter... Et si c'était réel ? Et si Gabriel m'aimait vraiment ? Même si pour moi ça restait quelque chose d'inconcevable, il restait toujours cette possibilité que ce qu'il me dise soit juste. Et, je ne pouvais me demander ce que je ferais si jamais un jour il me le disait, je pourrais le recaler et li dire que je ne ressentais pas la même chose. Mais serait-ce la vérité ? Je sais que je ne suis pas amoureuse de lui, mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser que dire que je ne ressentais rien pour lui serait un mensonge. Et un des plus gros que je n'aurais jamais sortis.

— Mais sinon ces sandwichs sont délicieux. Disait-il en souriant, satisfait de me faire autant réfléchir.

— Arrête de te moquer de moi, j'ai presque cru que tu me faisais une déclaration !

— Et puis quoi encore ! Je ne suis pas désespéré à ce point. Il reprit ensuite son air sérieux avant de pointer le bâtiment devant moi. Regarde, il y a des gens qui arrivent.

Un camion s'arrêta à l'avant du bâtiment dans le plus grand des silences avant qu'une petite poignée de soldats lourdement armés ne descendent. Ils se firent quelques signes, puis, de manière coordonnée ils ouvrirent les portes arrière et firent descendre une bonne dizaine d'enfants. Les enfants étaient tous bâillonnés et menottés, et même si certains d'entre eux résistaient, la plupart n'osaient même pas relever les yeux du sol. L'une d'entre elles se rebellait violemment et on aurait bientôt pu entendre ses cris à travers le tissu qui l'empêchait de parler. Ses longs cheveux roux et ondulés tombaient en cascade dans son dos alors que son regard orangé croisait le mien. Comme si elle eût compris la raison de ma présence, l'adolescente d'environ quatorze ans qu'elle était, sembla comprendre la raison de ma présence, et, tout naturellement, se calma un petit peu.

Raphaël, qui avait tout vu, s'approchait de moi et me fit signe de changer discrètement d'emplacement. Je repris alors mes esprits puis avançait lentement jusqu'à un petit muret recouvert d'un buisson. Je savais que si elle avait pu nous voir sans problème de là où on était donc rien n'aurait empêché les soldats de nous voir.

— Va falloir qu'on rentre un peu plus tôt.


DemonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant