Chapitre 8-3

22 7 0
                                    

Lors de tout ce temps que j'avais pour moi, je pensais souvent à Gabriel. Ce n'étais pas ma pensée numéro un mais ce n'était pas trop loin, derrière le "comment je sors d'ici putain" et le "je vais devenir folle, si je ne peux pas au moins lever mon putain cul de ma putain de chaise." Si vous vous disiez que c'était violent, ne vous en faites pas je vous avais épargné le pire. Pour en revenir à Gabriel, j'y pensais. Je me disais souvent que c'était ma faute, puis telle une girouette, je me rappelais que je ne m'étais pas enfermé moi-même dans une pièce sombre de cinq mètres carrés et que ce n'était donc pas ma faute. Je m'étonnais moi-même de ma santé d'esprit à chaque fois que je me rappelais à l'ordre. Mais pour me rassurer un peu, je me disais que j'avais vécu bien pire que quelques jours ou semaines dans une pièce étroite, attaché sur une chaise. D'ailleurs, ça arrivait parfois que l'on me détache pour que je puisse me lever et que mes muscles ne tétanise pas, j'y voyais au début une façon de m'enfuir, mais j'ai vite réalisé que c'était impossible, Jared et Jessica me surveillaient de près à chaque fois.

Pour en revenir à mon sujet de base, c'est fou comment je m'écarte, ça m'arrivait de me souvenir des moments passé avec Gabriel, c'était lui qui pour la première fois m'avait parlé des mythes autours des dieux et déesses et c'était aussi lui qui m'avait appris à les respecter. Je m'en rappellerais sûrement toujours, j'avais sorti alors, que c'était stupide de croire et de vénérer des dieux qui avaient totalement abandonner le monde humain, le laissant sombrer au plus profond du désespoir. Il m'avait alors mis une petite tape à l'arrière de ma tête avant de me dire que dans certains endroits du monde, on m'exécuterait pour ça. Il avait ensuite ajouté que c'était une religion semblable à tant d'autres, et que comme toutes les autres, je leur devais le respect, même si je n'étais pas d'accord et que ça me semblait méprisable. Je ne pensais pas que ce souvenir ferait partie de ceux qui me reviendraient en mémoire à sa mort, mais il faut reconnaître que ce sont les souvenirs les plus basiques et qui paraissent sans importance qui nous manque le plus.

C'est en repensant à ce genre de chose que mon esprit s'apaisait, de toute façon j'avais l'impression que c'était la seule chose qu'il me restait. Dans cette pièce, j'avais pu me souvenir d'une bonne partie de ma vie, j'étais quand même triste après m'être rendu compte que j'avais oublié beaucoup de moments, de personnes, qui avaient sans doute dû être importantes à un moment. D'ailleurs j'en faisais même des cauchemars, je ne pouvais pas m'empêcher de me demander si on m'oublierait moi aussi, comme j'avais oublié toutes ces choses.

En réalité ça me terrifiait, plus j'y pensais plus ça m'obsédait, mais ce n'était pas la seule idée qui me traversait l'esprit de la sorte. Chaque fois que je me remémorai un souvenir heureux ou un moment qui était censé m'apaiser, une pensée tel que celle-ci arrivait dans mon esprit et me rendait folle. J'avais souvent l'impression de perdre les pédales, et je ruminais dans mon coin jusqu'à ce que je tombe de sommeil. Sommeil qui se faisait de plus en plus rare, comme je ne bougeais pas mon corps ne se fatiguais pas assez et sans doute que toutes les heures où j'ai dormi de trop pour combler mon ennui commençait à avoir des répercussions.

La porte s'ouvrit alors à la volée et Jared, qui avait l'air bien plus heureux que d'habitude, s'approcha de moi en sautillant. Il avait une chemise blanche tachetée de sang et des gants en latex censé être transparents. Son pantalon lui était noir donc impossible de voir s'il y avait aussi du sang dessus. Tout ça ne présageait rien de bon.

— J'ai une surprise pour toi ! Disait-il gaiement. Je suis sûr que tu vas l'apprécier.

Il retira son gant avant de faire un signe de main vers la porte comme s'il invitait quelqu'un à rentrer. Jessica arriva alors guidant quelqu'un vers la salle, elle arborait un air triste et n'osait même pas me regarder. Sur le coup je ne compris pas, mais quand je vis qui c'était, mon cœur se stoppa. C'était Gabriel, c'était lui. Il était avachi et ses vêtements semblait flotter, il avait perdu du poids, c'était sûr, cependant il n'y avait pas que ça. Il y avait quelque chose avec ces yeux, ils étaient comme brulés. Ces yeux qui étaient auparavant verts étaient juste blancs avec quelques veines rouge vif qui ressortaient. Autours de ses yeux, il y avait des cloques et des petites cicatrices rougeâtres qui faisaient gonfler le contour de ces derniers, comme s'il avait un coquard.

— Je pense que vous vous connaissez déjà.

— Qui est-ce ? Demandait Gabriel.

— Demande-lui, se contentait-il de répondre, tu lui as beaucoup manqué en tout cas.

Jessica retira mes menottes avant de s'écarter pour que je me lève. Il me fallut quelques secondes avant de réaliser qui j'avais en face de moi. C'était Gabriel, celui que j'avais tué était devant moi, bien vivant qui plus est. Je me levais alors, les jambes tremblantes, sans pour autant oser m'approcher de lui. J'étais persuadé qu'il était mort donc le voir en vie me paraissait irréel, improbable. J'en venais à me demander si je ne rêvais pas, avec tout ce temps passé enfermer dans cet endroit je pouvais bien avoir des illusions de cette ampleur. Quand je me décidai à enfin le regarder droit dans les yeux, ce que je n'avais pas fait depuis que je m'étais levé, je remarquais que Jessica et Jared n'étaient plus dans la pièce, qu'ils étaient sortis. J'avais beau avoir envie de lui sauter dessus et de lui dire qu'il m'avait manqué, beaucoup trop même, j'en étais incapable. La seule chose que j'étais capable de faire à cet instant, c'était pleurer.

Cependant, mes espoirs retombèrent aussi vite qu'ils étaient venus, au moment même où il ouvrit la bouche, en s'approchant de moi à son tour.

— Pandore... C'est toi ?

J'avais à peine le temps de répondre que oui, qu'il se jeta sur moi, attrapant mon cou entre ses deux mains gelées. Il dégageait alors cette odeur de sang presque caractéristique mêlé à une autre odeur d'infection presque insoutenable. C'était comme si la réalité me frappait en plein visage. J'essayais tant bien que mal de le repousser, mais impossible, sa force était bien supérieure à la mienne, que je sois dans cet état ou non. Les larmes roulaient sur mes joues d'autant plus que j'étais terrifié par ce qu'il se passait.

— A... Arrête... Disais-je avec difficulté.

À l'entente de ma voix, il eut un recul dû à la surprise, desserrant son emprise sur ma gorge. J'en profitais alors pour lui asséner un léger coup de pied pour le déséquilibrer, puis j'utilisais le peu de force que j'avais pour me dégager totalement de son emprise. Je me remis alors sur pied avant de reculer, mettant une certaine distance entre nous. Il regarda tout autour de lui comme désemparer, il était aveugle, si je ne faisais pas de bruit il ne me remarquerait surement pas. Cependant, je ne pouvais pas rester comme ça, il fallait que je le sorte de là, que je nous sorte de là.

DemonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant