12 Juin 2015 - Aéroport international de San Francisco
Mes joues sont sèches, mes yeux gonflés. Quittant les sièges confortables de la classe affaires, je salue une dernière fois l'hôtesse avant de poser pour la première fois les pieds sur le sol américain. Je récupère rapidement mes bagages et pénètre dans le hall où je remarque sans peine mon frère. Il me cherche encore du regard et je l'observe, réalisant à quel point c'est bon de le voir, il m'a tellement manqué depuis Noël. Son allure a changé, il est plus décontracté qu'à l'habitude et ses cheveux ont poussé. J'approche lentement et, une dizaine de pas plus tard il me remarque enfin. Son sourire s'illumine, au moins jusqu'à ce que je sois suffisamment proche pour qu'il distingue sur mon visage les traces laissées par ces dernières vingt quatre heures mouvementées.
- Danny !
Je lâche ma petite valise et lui saute dans les bras. Il répond à mon étreinte avant de se dégager pour scruter mon visage à la recherche de réponses. Je ne pourrai rien lui cacher, mais je ne veux pas m'écrouler ici, en plein milieu de ce hall bondé. J'ai déjà bien assez pleuré. Il semble comprendre sans que j'ai besoin de lui expliquer car il attrape ma valise d'une main et ma paume de l'autre; sans poser de question. Il m'invite à le suivre en silence, passant son bras autour de mes épaules et ce geste d'affection réchauffe mon cœur malmené. Son odeur familière me réconforte et je retiens à nouveau un hoquet d'émotion tant je sens que les vannes sont prêtes à lâcher. Comment va-t-il réagir quand je cracherai mon venin dans ses oreilles innocentes ?
À l'extérieur, il hèle un taxi et, une fois installés, lui indique l'adresse. Je reste collée contre lui, épuisée de lutter contre les pointes de douleur qui me vrillent le ventre et lacèrent mon cœur. Des heures que j'ai mal, que la souffrance qui se propage dans mes veines me donne des palpitations et me coupe le souffle.
D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais vécu çà. Depuis la mort de nos parents, je m'étais créé un univers, doux, serein, réconfortant avec des personnes que j'imaginais fiables. En découvrant Richard dans les bras de Becca ou plutôt une certaine partie de son anatomie dans sa bouche tout s'est effondré, violemment.
Au dehors, les paysages défilent mais je ne les regarde même pas, trop obnubilée par la manière dont je vais tout avouer à mon frère. J'ai peur de sa réaction envers Richard. Ils ont toujours eu une relation fraternelle et Dan lui fait confiance pour prendre soin de moi. Il m'a confiée à lui il y a quatre ans quand il est parti pour les États-Unis. Dans quelques heures tout au plus, mes aveux vont tout détruire. J'arrive encore à ressentir de la peine à ce sujet alors que mon fiancé ne le mérite pas. Si Dan avait été présent ce soir là, je pense que tout aurait été bien différent.
Quand je jette enfin mon regard au travers de la fenêtre, nous venons de passer l'impressionnant Golden Gate, et pénétrons dans le ventre de San Francisco. J'en ai si souvent visualisé les paysages, l'odeur, les bruits. Quand j'imaginais mon premier voyage ici, je trépignais d'impatience; or, à cet instant, je n'en profite même pas.
Dan attire mon attention en caressant ma main avec sa paume pour me faire comprendre qu'il est là. Tous les deux, nous avons toujours été très tactiles, ce besoin de nous bercer, nous câliner pour certainement combler le manque de nos parents. Encore une fois cela m'apaise, au moins quelques instants.
A peine dix minutes plus tard, le taxi s'immobilise dans une petite rue perpendiculaire à une avenue imposante. Dan paye et récupère ma valise avant de m'inviter à le suivre. Paralysée par le stress, je fais à peine attention aux environs et remarque tout de même que nous ne sommes pas sur le campus de Berkeley mais en ville. Une grande bâtisse, qui ressemble à un vieux garage automobile désuet nous fait face. Dan en soulève un gros rideaux de fer qui cache une entrée à l'abri des regards sous un arbre certainement centenaire. Lorsque nous pénétrons à l'intérieur, la chaleur douce de la pièce m'envahit. La luminosité traverse les larges et hautes fenêtres de part en part et la végétation luxuriante d'un magnifique patio attire l'oeil. C'est un endroit magnifique, est-ce là où vit mon frère ?
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A l'encre de ton coeur
RomanceRose, 21 ans, termine sa troisième année universitaire sur l'île de Skye en Ecosse. Trahie par son petit-ami, en colère contre les obligations familiales, elle est déterminée à ne plus se laisser dicter sa vie. Elle se réfugie chez son frère aîné Da...