Chapitre 38 : Jack

874 81 33
                                    


Si j'étais Dieu,

je serais peut-être le seul à ne pas croire en moi.

Serge Gainsbourg





Rencontrer l'autre connard m'a mis les nerfs.

Son obstination à vouloir récupérer Rose, sa condescendance quand il a compris la teneur de notre relation et ce regard qu'il m'a jeté en quittant le Scar...

J'ai besoin de souffler, d'aller passer mes nerfs sur mes maquettes, mes dessins, mon sac de frappe. J'ai besoin de me défouler sur quelque chose parce que j'ai l'impression que tout m'échappe.

Je termine mon troisième verre de Scotch avant de saluer Trevor.

— Je file à l'atelier, tu préviens Rose ?

— Pas de bêtise OK ?

J'acquiesce d'un mouvement de tête et m'enfuis dans la rue animée.

Mon pas précipité me conduit à destination en quelques minutes.

Je m'allume une clope et ferme les yeux à la première taffe. La nicotine me calme les nerfs. Pour la première fois, j'ai réussi à ne pas casser la gueule d'un connard qui se met en travers de mon chemin. Je l'ai fait pour elle, parce que je ne veux pas qu'elle me croie incapable de me maîtriser, je souhaite être à la hauteur de ce qu'elle mérite. Et je l'ai fais aussi pour moi. Je ne veux plus être ce type qui tape à la moindre contrariété.

Mais mes doigts me démangent.

Alors j'éjecte mon Perfecto, écrase ma clope au sol et me dirige vers le sac de frappe.

Mes poings s'acharnent sur le cuir défraîchi et ma fureur se dissipe, coup après coup, effort après effort. De longues minutes plus tard, les tensions m'ont quitté, au rythme des grosses gouttes de sueur qui dévalent mon visage. Même ma colère semble remplacée par la fatigue de mes muscles sursollicités.

Je prend une douche rapide, m'enfile une bouteille d'eau avant de rejoindre le toit-terrasse où je fume une clope en fixant l'horizon, mon esprit englué dans des réflexions qui me mettent à nouveau en colère.

Le doute.

Nous sommes si différents.

Elle est diplômée, bien élevée, rayonnante et si douce. Je ne suis qu'un homme insignifiant, abandonné et incapable de mener à bien un projet. Des frissons désagréable parcourent mon épiderme alors que la chaleur moite de la nuit m'entoure. Ce fichu sentiment autodestructeur est en train de grignoter mes sens...

Je soupire, désabusé, fatigué de ces démons qui sont toujours là, tapi dans l'ombre à attendre que je baisse les bras pour dévorer mon âme.

Au loin, l'océan gronde, faisant écho à mon état d'esprit. J'ai promis de batailler pour elle, pour nous, pour ce truc indéfinissable qui me pousse vers elle, qui me colle à la peau et fais battre mon cœur plus vite que la normale.

Mais est-ce juste pour elle ?

Serais-je assez fort pour être digne de la douceur de son regard sur moi ? Combien de temps lui faudra t'il pour se rendre compte de son erreur ?

Trois clopes et deux bières plus tard, j'entends la porte de l'atelier claquer.

— Jack ?

Au moment où sa silhouette apparaît, à l'instant où son visage me sourit, mes doutes s'envolent. Rose, ma furie, représente tout ce que je veux mériter. Aujourd'hui, demain, à jamais. J'espère en être digne. Peu importe ce qu'en pensent les autres.

A l'encre de ton coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant