A l'encre de ton coeur

Chapitre 43 : Jack

"L'absence n'est-elle pas, pour qui aime

la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace,

la plus indestructible,

la plus fidèle des présences."

Marcel Proust - Les plaisirs et  les jours

Dimanche 2 août 2015

Mon dossier de présentation est bouclé, mes dessins sont précieusement roulés dans leur boîte et je viens de donner un bon coup de propre à l'atelier. Rose a raison, c'est elle qui me l'a inspiré. Loin de moi l'idée de cacher la vocation première du lieu, mais le montrer ordonné ne pourra que jouer en ma faveur.

Je savoure ma clope bien méritée, recrache les volutes de fumée en fixant depuis le toit-terrasse l'horizon et l'océan qui gronde au loin.

Je souris en pensant à Rose, à l'aveu que nous nous sommes fait il y a quelques jours. Mettre des mots sur mes sentiments, voilà encore quelque chose de nouveau pour moi. Elle a définitivement explosé toutes les serrures qui emprisonnaient mon cœur.

Mon sourire à la con vissé sur mes lèvres, j'ai une furieuse envie de me foutre de ma propre gueule. Tout ce qui m'arrive est tellement improbable !

J'ai prévenu Mamina que Dan était au courant pour nous deux et qu'il ne l'avait pas très bien prit. Il fallait bien que je lui dise, car elle n'aurait pas compris l'état de mon visage ou ce serait imaginé les pires scénarios quand je lui aurais rendu visite. Elle était choquée que nous en soyons venus aux mains, mais elle m'a promis d'avoir une discussion avec lui. Je crois néanmoins qu'il est encore un peu tôt pour ça.

Réintégrant la réalité, je perçois la sonnerie de mon téléphone portable que j'ai laissé en bas. Je sais que Rose voulait avoir une conversation avec son frère, car depuis que je lui ai parlé, s'il semble plus apaisé de mon côté, il passe son temps à ignorer sa sœur. Si ça se trouve, c'est elle qui m'appelle pour me dire que ça ne s'est pas bien passé... ou l'inverse. Je presse le pas pour rappeler quand une nouvelle sonnerie retentit.

Quand je l'attrape, onze appels en absence s'affichent sur l'écran.

Merde, qu'est-ce qui se passe ?

Le nom de Siri apparaît.

Je décroche, fébrile. Au même instant, la porte de l'atelier s'ouvre et Darell surgit, essoufflé.

— Jack ! Enfin. Tout le monde essaie de te joindre.

— ...

— Darell est avec toi ?

— ...

Une sueur froide dévale le long de mon épine dorsale. Leurs mots se détachent comme dans un plan ralenti de cinéma. Mon cœur ne bat plus de manière raisonnée, il se passe quelque chose et j'ai autant peur que besoin de savoir.

Je crains d'avoir déjà compris. Je le sens, j'en frissonne, il est arrivé quelque chose à Rose. Lorsque je fixe le regard de Darell, je sais que c'est grave. Et la voix de Siri dans le combiné ne fait que renforcer les pires scénarios qui tournent en boucle dans mon cerveau tourmenté. Je perds pied, suspendu à leurs paroles. Le regard de Darell est éloquent, la retenue de Siri me paralyse.

— Rose a eu un accident Jack.

— Elle est où ?

— Elle a été transportée à l'hôpital, Darell va te conduire OK ?