Chapitre 9 : Rose

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Mardi 23 Juin 2015

Depuis que j'ai posé mes bagages dans cette ville, près de mon frère, je suis plus apaisée, sereine et j'oublie presque la lame de fond qui refait surface et me ravage le bide quand mon téléphone sonne et que le nom de Richard apparait.

J'ai accepté l'appel de Granny hier soir. Danny a tellement insisté, il en avait ras-le-bol de faire l'intermédiaire mais je n'arrivais pas à parler. Comment lui avouer que celui qui avait promis de veiller sur moi m'a trahie ? Malgré toute la colère et la peine que je ressens vis à vis de lui j'ai du mal à en faire quelqu'un de mauvais aux yeux de ma grand-mère. Ce serait pour moi tellement plus facile de tout lui avouer. Elle comprendrait, elle me donnerait même sans doute sa bénédiction pour les vacances que je m'octroie loin de mon Ecosse natale. Surtout si elle savait que je suis disposée à rentrer à la fin de l'été. Mais mon mutisme l'angoisse et la perspective de m'avoir perdue n'est pas envisageable pour elle. Alors je lui demande juste de me faire confiance, lui rabâchant que j'ai besoin de temps pour moi. Quand elle me parle de Richard et de son chagrin j'ai envie de m'étouffer, de crier mais je me contiens, au bord des larmes et de la crise de nerfs.

En quelques secondes je ruine plusieurs jours d'apaisement.

Une fois la communication coupée, je souffle un bon coup, je refuse de craquer encore. Le soir, la nuit, dans l'isolement de la chambre je peux me laisser aller, mais pas en pleine journée, je ne veux pas offrir le spectacle de mon désarroi aux personnes avec qui je vis. J'ai besoin d'être forte, je veux que Dan soit fier de moi, pas qu'il s'apitoie sur ma détresse.

Il est à peine dix heures quand je sors de la douche et il fait déjà une chaleur étouffante. J'ai rendez vous avec Trévor un peu plus tard pour finaliser sa proposition de job. Si j'ai de l'argent de coté, ce travail me permettra de me confronter à la vraie vie, de me sentir utile, de rencontrer de nouvelles personnes et profiter ici sans vivre aux crochets de mon frère.

Depuis mon arrivée, j'occupe sa chambre.

En descendant les escaliers, j'entend de gros bruits dans le fond du couloir du rez-de-chaussée. L'espace dans le loft est immense et, si je n'ai pas encore tout visité, il semble que toutes les pièces ne sont pas encore exploitées. Le bruit semble provenir du bout du couloir après l'espace cuisine. Au fur et à mesure que j'approche, j'entends des bruits de perceuse, de marteau et j'ose passer la porte poussée par la curiosité.

Je découvre Jack, torse nu, penché au dessus d'un magnifique bureau qu'il tente désespérément de faire entrer dans l'emplacement qu'il a choisi. Cette pièce immense, séparée de la pièce à vivre par la buanderie donne directement sur le patio intérieur du loft par une grande baie vitrée coulissante. La décoration, sobre et contemporaine est dans les tons de gris béton, soulignée par des voilages et du linge de lit vert tendre. Les meubles en bois donnent beaucoup de douceur à l'ensemble.

Jack n'a pas détecté ma présence, trop concentré sur sa tâche. J'en profite pour le détailler, reluquant sans vergogne ses tatouages sombres dont la noirceur roule sur sa peau au gré de ses mouvements. Il dégouline de sueur et soupire sous l'effort. Quand enfin le bureau rejoint son emplacement, il se redresse et essuie son front avec le tee-shirt qui traîne sur une chaise. Les bras déployés, ses omoplates se pavanent à ma vue et l'immense tête de mort qui emplit son dos me semble encore plus intimidante.

Je file à la cuisine et réapparait dans la pièce, un verre d'eau fraîche dans les mains. C'est au moment où il ramasse ses outils et se retourne qu'il me voit enfin.

Je n'ai pas réfléchi en allant chercher ce verre. Pas plus qu'en le lui tendant alors que son regard impénétrable me sonde. Ses lèvres ourlées tressautent très légèrement.

A l'encre de ton coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant