A l'encre de ton coeur

Chapitre 15 : Rose

Maybe I'm just too tired to keep runnin' (peut-être que je suis juste trop fatigué pour continuer à courir)

Maybe you're what I never saw comin' (peut-être que tu es ce que je n'ai jamais vu venir)

Am I in your head (suis-je dans ta tête)

Half as often as you on my mind. (La moitié du temps tu es dans ma tête)

Lost my mind - Finneas.

Mardi 30 Juin 2015

Ce matin, la chaleur agressive des rayons du soleil me tire des nimbes du sommeil. Dans la précipitation, hier soir, je n'avais pas fermé les persiennes, alors la puissance de l'astre de feu me chauffe les joues. Je pensais que j'aurais mal au crâne, que mon karma me ferait payer mon affront, mais rien, nada. Je suis fraîche comme la rose — sans mauvais jeux de mots — et prête à affronter mon insupportable coloc.

Une bonne douche et une tenue présentable plus tard, je pénètre dans la pièce principale à la recherche d'un corps couvert d'encre, mais rien, rien que le silence et du vide. Pas de bruit à l'étage, personne dans le jardin et aucune trace de vie autour de moi. Juste une odeur fantôme de café et de cuisine. Je m'approche de l'îlot central où je repère une tasse et un sachet de thé prêts à l'emploi, accompagnés d'une assiette débordante de pancakes. Un papier de bloc-notes plié en deux est posé à côté avec cet horripilant surnom « la furie ».

Une calligraphie qu'on ne pourrait pas qualifier d'élégante, mais affirmée c'est certain, une écriture fière qui ressemble à son auteur.

« J'ai des rendez-vous professionnels aujourd'hui. Je suis désolé de m'être comporté en connard hier soir. Réponds au téléphone s'il te plaît, fais au moins ça et ne va pas fureter n'importe où. Bon appétit. À ce soir » J.

Je rejette le papier et plonge mes doigts dans l'assiette de pancakes, un immense sourire aux lèvres. J'en enfourne une moitié en une bouchée avant d'en manger six au total. Mon thé fumant dans une main, je m'installe dans le jardin où je ne peux m'empêcher de penser à Jack, l'imaginer en train de cuisiner pour moi. Quelle ironie.

C'est sans doute sa façon de se faire pardonner ?

Je me suis posé la question de savoir pourquoi il agit tout le temps si bizarrement ? Un instant il est parfaitement exécrable et, dans la même journée, semble se transformer en une personne attachante, bienveillante, emphatique. Je n'arrive pas à l'expliquer et je déteste quand je ne comprends pas.

J'ai besoin de saisir.

J'essaie de chasser cette envie au plus profond de moi toute la journée, je trie mes photos sur l'ordinateur, je tente d'écrire un peu, puis je fais des recherches sur le net pour préparer ma prochaine sortie à San Francisco. Les heures défilent et j'envoie un message à mon frère pour le rassurer et lui rappeler que c'était mon premier soir au Scar, mon baptême du feu.

Siri a profité de sa pause dej pour me téléphoner et me demander comment j'allais, je me suis excusée. J'ai vraiment l'impression d'avoir été le boulet que je ne voulais surtout pas devenir.

Quand je raccroche, mon portable sonne à nouveau et j'imagine que c'est Siri, mais... encore une fois, je me fait avoir par ma précipitation.

— Allo ?

— Rose ?

Je sens la bile remonter le long de ma gorge. Cette voix si familière...

— Je n'ai pas été assez claire Richard ?