Chapitre 5 : Rose

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La nuit sera tombée dans moins d'une heure et la brise océane rafraîchit considérablement l'air presque étouffant de la journée. La foule se presse dans les ruelles du Fisherman's Warf, ce quartier historique de pêcheurs, transformé aujourd'hui en incontournable place touristique qui grouille de monde à l'arrivée de l'été. Les terrasses des restaurants sont animées, colorées et odorantes. Les devantures laissent s'échapper d'énormes plateaux en l'honneur de la star locale : le crabe. Il est préparé à toutes les sauces et c'est une institution d'aller en déguster avant de faire la fête le week-end. Des chanteurs de rue font la compétition aux acrobates et quelques mouettes qui planent au dessus tentent de mêler leurs cris stridents au spectacle.

A mes cotés, Dan ne tient pas en place, je l'ai mis en retard et il paraît très impatient de me présenter à ses amis. Je vois bien qu'il est agacé, qu'est ce qu'il peut être psychorigide...

- Eh ! Tu me donnes le tournis !

- Je déteste être en retard tu devrais le savoir !

- Oh ça va ! A peine une heure !

Je crois qu'il va vraiment me bouffer et me ramener au loft si je ne la boucle pas tout de suite. C'est trop drôle, il y a des choses qui ne changent pas. Je lui tire la langue et il menace de me l'arracher.

- Avoues, tu as une amoureuse qui t'attends et tu as peur qu'on te la kidnappe ?

- Pfffff jamais de la vie ! J'ai pas le temps pour ça...

- Tu veux dire que depuis tout ce temps à San Francisco tu n'as pas de copine ?!

- Non, c'est si important ?

Je suis étonnée. Je sais que mon frère a beaucoup de succès avec la gent féminine et qu'au lycée il est sorti pendant plus d'un an avec Juliett. Je n'ai jamais compris la fin de leur histoire mais depuis il semble que ce soit le désert de Gobi dans sa vie amoureuse.

- Je m'inquiète pour toi c'est tout.

- Parce que je suis célibataire ? T'as aucune raison. Si tu veux tout savoir, oui y'a eu quelques filles mais aucune dont la longévité de ma relation n'a permis de les définir comme des « petites amies ».

- Je vois, tu prends exemple sur ton charmant colocataire ?

Non mais c'est vrai quoi ! Par mimétisme il va finir par prendre tout ses travers. Il m'effraie et entre son regard glacial et son allure de repris de justice, il n'a rien en commun avec Dan. C'est quoi la prochaine étape, un tatouage ?

- Ecoutes princesse, crois-moi que j'ai bien plus en commun avec Jack qu'avec tout un tas de fils à papa que j'ai pu côtoyer à mon arrivée ici. Tu ne devrais pas le juger aussi mal, laisse lui une chance. Il n'est pas facile à cerner mais c'est vraiment quelqu'un de bien.

- Ouais...bah c'est pas ce qui saute aux yeux...

Le reste du chemin se fait dans le silence. Je ne comprends pas pourquoi Dan le protège autant ou pourquoi il ne m'en dit pas plus, ce serait plus simple. Mais çà ne semble pas à l'ordre du jour...

Nous franchissons deux ruelles parallèles à la jetée avant d'atterrir devant le fameux « Scar ». De prime abord, l'endroit ne paye pas de mine, comparé aux façades luminescentes des bars de l'avenue en front de mer. Pourtant, à l'intérieur, une douce musique folk emplit l'espace et se faufile par dessus le brouhaha des clients. Ce qui me frappe ici, c'est qu'il n'y a pas ou peu de touristes, l'endroit ne leur est pas destiné. Non, ici c'est plutôt le repère des quelques derniers habitants du quartier. C'est immense, un ancien entrepôt de pêche comme en attestent les crochets encore suspendus à la rambarde de la Mezzanine. Dans un recoin, une scène improvisée où s'installe un groupe de musique. Il y a du monde au bar, et les clans, agglutinés en grappes autour de petites tables dépareillées, entretiennent des conversations animées. Cet endroit me plaît instantanément, il a une bonne âme.

A l'encre de ton coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant