Chapitre 22 Part 1 : Rose

887 85 24
                                    




Dimanche 5 Juillet 2015

Le cri aigu des mouettes, la caresse des embruns et la fraîcheur du matin se jouent de mon sommeil.

J'ai l'impression de flotter dans une dimension parallèle, entre le paradis et une réalité transformée. Emmitouflée dans des couvertures moelleuses, je n'ai pas froid, et seule l'extrémité de mes doigts et de mon nez confirme que la fraîcheur de l'aube a effacé la douce nuit.

Au fur et à mesure que mon esprit s'éveille, j'ose ouvrir une paupière.

Je suis étalée sur un canapé en velours vert bouteille aussi vieux que confortable et certains endroits sont si élimés par l'usure qu'ils en sont blanchis. Cependant, il m'a comblé de sommeil comme jamais depuis longtemps.

Enfin... est-ce vraiment grâce au canapé ?

Parfaitement consciente, je visualise l'environnement alors que quelques bribes de souvenirs des heures passées s'invitent dans ma tête.

Une avalanche de sentiments : l'inquiétude, le soulagement, la colère, l'envie, l'explosion et enfin le désir, la plénitude, l'apaisement. La sensation d'être au bon endroit, celle de laisser son corps parler sans crainte d'être jugée.

Cette nuit a été riche en émotions.

Mais ce matin, la place affaissée à côté de moi est froide.

Je me redresse et profite de l'horizon, avec, devant moi, l'océan pacifique à perte de vue.

Ce magnifique toit-terrasse, situé au-dessus de l'atelier, dévoile les alentours à 360 degrés tout en préservant l'intimité de sa présence du regard des curieux.

À cet instant, le ciel noir qui se profile et approche, prêt à m'engloutir, ne présage rien de bon. Une tempête arrive.

Je devrais me secouer, retourner à l'intérieur pour me protéger, mais j'ai surtout envie de prolonger mes songes, pas décidée à briser la magie qui, je le sais, va s'évaporer comme l'humidité exhale du sol chaud après une pluie d'orage.

Où est Jack ?

Je caresse mes lèvres lorsque les images de la nuit me reviennent en flashs. Les sensations me brûlent et pourtant je frissonne, resserrant l'étreinte de mes vêtements et que j'enfouis ma tête dans mon cou. Et là, la puissance de la mémoire olfactive fait son œuvre et je réalise que je porte l'une de ses vestes à capuche. Je me sens complètement idiote des émotions que cela provoque en moi. Mais je ne peux pas me voiler la face. Hier soir, j'étais en colère contre lui, épuisée par son attitude agressive. Pourtant, la détresse de son regard, sa façon de me repousser ont été des électrochocs. J'avais besoin d'être-là, avec lui, pour lui, qu'il l'accepte ou pas.

Ses aveux m'ont bouleversée. J'ai vécu des choses horribles, mais Jack... je n'ai pas de mot. Quoiqu'il en dise, il a une sacrée force de caractère.

Depuis mon arrivée à San Francisco et mon immersion dans l'univers de mon frère, j'ai tout fait de travers avec lui. Je l'ai jugé, j'ai laissé son apparence physique me dicter un avis complètement erroné. Et pourtant j'ai suffisamment étudié les comportements sociaux pour savoir que certaines réactions de protection se traduisent par des attitudes agressives, combatives ou déviantes. Tout ce que Jack s'évertue à montrer quand il se sent en danger.

Cependant, à plusieurs reprises j'ai assisté à la transformation de son regard gris acier.

Le soir où je me suis blessée, il a été particulièrement doux et compréhensif. Sans parler de la fois où il m'a offert la chambre d'amis...

A l'encre de ton coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant