Chapitre 45 : Rose/Jack

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La lumière est éblouissante. Plus que n'importe quel autre jour passé. J'ai l'impression qu'ouvrir mes paupières me demande une force considérable et que je n'arriverai pas à le faire dix fois de suite tant mes forces me semblent limitées.

Je tente de me concentrer pour comprendre ce qui pourrait expliquer cette extrême fatigue. Je ferme les yeux quelques secondes, mais mon objectif m'échappe et je me sens glisser dans les ténèbres, incapable de me raccrocher à la lumière.

Lorsque j'ouvre à nouveau les paupières, j'ai un regain d'énergie, mais pour combien de temps ?

J'essaie de m'y prendre différemment, de m'habituer à la luminosité environnante avant d'user de mes forces, mais le temps que j'en prenne conscience il est souvent déjà trop tard et je sombre à nouveau. Pourtant, cette fois, mon temps d'éveil semble vouloir durer plus longtemps.

Je me sens prisonnière de mon enveloppe corporelle, consciente de mon environnement, mais incapable de parler ou de bouger. 

Me concentrant sur mes sensations, je finis par distinguer une masse floue à côté de moi et un poids posé sur ma main. Puis autour de moi, une odeur entêtante et une présence rassurante. Fixant le même point, je finis par distinguer ses cheveux en bataille, son souffle régulier venant caresser ma peau redevenue sensible.

Jack. Jack est ici.

Suis-je vivante ? Suis-je en train de rêver ? Peut-être mon esprit a-t-il juste survolé mon corps au moment où le souffle de vie m'a échappé ?

J'essaie de me servir de ma voix pour l'appeler, je voudrais qu'il m'aide à comprendre ce que je fais dans cette pièce impersonnelle et froide, cette chambre d'hôpital. J'ai peur.

Mais ma gorge, mes cordes vocales ne semblent pas vouloir coopérer. D'infimes grognements en sortent, ma trachée me brûle et j'ai terriblement soif.

Je ferme les yeux, épuisée.

Quand j'émerge à nouveau, le temps semble s'être suspendu, aucune lumière n'agresse mes rétines. Le poids sur ma main n'a pas bougé. Je distingue les contours de son visage grâce à la faible clarté des machines. Si ma voix ne coopère pas, je peux tout de même tenter de bouger mes doigts...

Rassemblant mes forces, je tente un premier mouvement, à peine perceptible. Mes muscles sont lourds, comme si la gravité avait multiplié sa résistance...

Je réitère l'opération avec un peu plus de succès et finit par me dégager complètement de son emprise.

Son visage bouge à côté de ma main, j'ai peut-être réussi à le réveiller. Pour m'en assurer, je tente une nouvelle fois de parler. C'est maintenant ou jamais.

Son corps se redresse et ma voix fluette se décide enfin à percer le brouillard de la nuit.

— Jack, Jack, c'est toi... ?

Je devine son corps se redresser complètement puis se lever pour me surplomber. En quelques dixièmes de secondes, il saisit mes mains avec vigueur.

— Rose ! Oh bébé ! Tu... comment te sens-tu ? J'ai...

J'arrive péniblement à articuler quelques mots, la mâchoire engourdit alors que ma gorge brûle.

— Qu'est-ce qui s'est passé Jack ? Pourquoi je suis ici ?

— Il faut que j'appelle un médecin. Il faut...

— Jack ! Je suis tellement fatiguée...

— Je vais allumer OK ?

Ma trachée semble en feu, ma gorge est tellement sèche. Jack s'éloigne et la lumière criarde m'éblouit. J'entends le bruit d'une machine qui distille sa sonnerie entêtante. Il me fixe avec attention alors que mes yeux semblent rouler sous mes rétines. J'ai des vertiges et je me sens lasse. Je sais qu'il ne me faudra pas longtemps avant de sombrer dans le néant.

A l'encre de ton coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant