Chapitre 8 : Rose

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Quand j'étais petite et qu'une angoisse libérait mes peurs, que mes parents n'étaient pas là pour me consoler, j'avais trouvé une façon bien à moi de me calmer. Je regardais les ombres dansantes des arbres se reflétant sur le mur de ma chambre. A travers les fenêtres, les rayons de lune leur créaient des halos fantastiques. Je passais des heures à les observer jusqu'à ce que le sommeil m'emporte.

A cet instant, à l'identique, je regarde les rais de lumière du jardin qui se reflètent sur le mur de la terrasse. Mais les minutes ont beau s'écouler, le soulagement ne vient pas. De fines gouttes de pluie dégoulinent sur ma peau et je tends mes paumes pour en savourer la fraîcheur sur mes mains. Je suis fatiguée, épuisée par mes émotions et incapable de réfléchir posément. Je voudrais juste lâcher prise. Rapidement, la pluie s'intensifie et quelques éclairs tranchent le ciel avant que le tonnerre ne soit de la partie. J'ai toujours aimé l'orage, un vrai feu d'artifice naturel qui, à l'instant, invite le bruit dans ma vie silencieuse, sans relief. Ma vie qui a laissé le chagrin s'installer à la mort de mes parents, ma vie qu'on a voulu aseptiser pour éloigner la douleur, contrôler mes désirs, m'occupant à mes dépens, traçant le chemin vers un avenir sans bosses mais sans saveur.

Granny veut mon retour à Portree.

Richard me laisse au moins trois messages par jour.

Danny va encore partir.

Je voudrais voir le sourire de ma mère.

Je voudrais aller faire du bateau avec mon père.

Pourquoi tout s'envole ? Ma famille, mes amis, la vie que je croyais désirer ?

J'entends des pas sur le bois mouillé. Dan s'approche, une serviette éponge qu'il dépose doucement sur mes épaules.

- Rentre, tu vas prendre froid.

Je resserre la serviette autour de mes épaules au moment où je réalise à quel point je suis mouillée. Sur mon visage, la pluie s'est mêlée aux larmes dont je chasse les traces de toutes mes forces.

Ce n'est pas facile d'être forte.

La même odeur qu'à mon retour emplit l'espace. Dan m'indique le sofa du menton et je le suis, me laissant glisser entre les coussins moelleux. J'accepte le bol de risotto qu'il me tend et hume avec délectation le fumet du parmesan. Une véritable madeleine de Proust pour mon petit coeur chahuté.

Il s'installe a coté de moi et mange son propre bol en silence. De temps en temps, je sens son regard sur moi et j'ai l'impression qu'il se retient de me parler. Je sais que ce n'est pas facile pour lui non plus. Il a tout quitté il y a des années pour prendre son envol et tracer la route qu'il s'est choisie. S'éloigner pour ne plus subir l'influence familiale. Il m'a laissée sur la touche et je sais que s'il n'en a jamais parlé, il s'en voudra toujours. Seulement il n'avait pas le choix et il a pris la bonne décision. Si la situation se représentait, aussi douloureuse soit-elle, j'espère qu'il referait les mêmes choix.

Et aujourd'hui encore, ce dilemme. Je débarque près de lui après des années de séparation. Et le sort s'acharne à nous séparer encore avec ce stage...

C'est contre ce foutu destin que je suis en colère, pas contre mon frère.

- Tu sais je ne veux pas que tu partes ma princesse...

Il paraît fatigué, soucieux. Je m'en veux de lui rajouter des raisons de s'inquiéter.

- Je sais Danny.

Je pose ma main sur la sienne et la caresse, lui offrant un sourire tendre et réconfortant.

- J'avais imaginé que nous passerions l'été ensemble et que tu me ferais visiter, qu'on rattraperait un peu de ce temps perdu, je suis juste un peu déçue. Mais je m'en remettrai tu sais...

A l'encre de ton coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant