Chapitre 27 : Jack

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J'ai beau me répéter sans cesse les raisons de ne pas céder, ce qui gronde sous ma peau, dans ma poitrine, devient si puissant que plus rien ne peut juguler les vagues qui malmènent mon corps.

J'ai banni ce sentiment comme un poison alors que les quelques moments où je me suis autorisé à éprouver, il a plutôt agi tel un élixir.

Je refuse de croire qu'elle ne ressent pas la tension qui crépite entre nous. Elle peut essayer de se convaincre, mais j'ai vu la réaction de son corps, de sa peau à mon contact. Je ne comprends pas ce qui la retient. Ou plutôt j'aimerais ne pas le comprendre...

Ma réputation me précède et elle a donné en matière de connard égoïste. Cerise sur la gâteau, je suis le meilleur ami de son frère. C'est vrai que ça commence à faire beaucoup.

J'ai passé une grande partie de la journée à noircir des feuilles de plan, à établir des mesures correctes et viables, dessinant sous l'impulsion de mes doigts inspirés. C'est comme si tout ce que je retenais depuis si longtemps voulait exploser en moi au même instant. Je ne comprends pas cette soudaine évidence.

Jusqu'à ce soir.

Quand je l'ai découvert, endormie, recroquevillée sur elle-même dans un coin de l'atelier, j'ai pris conscience de l'aura qu'elle dégage. Je savais depuis un moment que je suis foutu.

Ma petite furie s'est tant accrochée. Avec ses frêles tentatives, elle a réussi à fendiller mon armure et a déposé la sienne à mes pieds. L'oiseau blessé devient un véritable phœnix. Elle ne se rend pas compte de sa force. Il se dégage d'elle une telle humanité, une telle empathie. Elle a percuté mon monde et en quelques jours, a fait voler toutes mes certitudes.

Je voudrais pouvoir encore lui résister.

Je voudrais que la seule vérité de ses liens à Dan soit suffisante, que celle de mes échecs me tienne éloigné, mais je n'y arrive définitivement pas.

Je sais qu'elle ressent cette connexion entre nous. Celle qui nous étouffe depuis le début. Celle que nous avons tentée, chacun à notre manière de rejeter. Mais j'ai bien remarqué les réactions de son corps quand je me suis approché. Suffisamment loin pour ne pas la toucher, mais assez prêt pour qu'elle ressente ma présence.

Les frissons visibles sur ses avant-bras, ultime preuve du même trouble qui m'habite, ont fini d'abaisser mes derniers remparts. Je ne m'appartiens plus.

Ce que je n'avais pas envisagé, c'était sa réaction après avoir forcé nos pupilles à se rencontrer.

Elle aurait pu me rembarrer, répondre à mon baiser, me gifler ou juste me repousser.

Non, elle a choisi la fuite.

Ma Rose sauvage que j'ai peur de cueillir, de voir faner, moi, l'handicapé des relations humaines.



Et me voilà comme un con, ma bière à la main, à regarder l'horizon désormais obscurci. Quelques étoiles semblent déjà prendre le pas sur la nuit qui s'installe, chassant la journée chaude.

Ma furie s'est enfuie.

Perturbé, j'ai hésité à lui courir après, mais j'ai finalement choisi d'aller noyer mes incertitudes avec quelques shots d'alcools forts.

Quand je pousse la porte du Scar, c'est presque rassurant de retrouver l'odeur familière de ce vieux rade. Trévor m'accueille d'un signe de tête tandis qu'au loin Siri discute avec une fille dont elle semble très proche. Certainement sa collègue de travail, celle dont elle m'avait parlé il y a quelque temps. Quand je les observe ainsi, je me dis qu'elles au moins ne risquent pas de finir cette soirée seules.

A l'encre de ton coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant