Chapitre 18 : Rose

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Epuisée par ma nuit agitée, j'ai regardé quelques minutes le paysage extérieur, mais nous avions à peine passé le Golden Gate que le bruit ronronnant du moteur a fait son œuvre, me plongeant dans un sommeil de plomb. D'autant que l'attitude fermée de Jack ne me laissait pas présager une conversation engageante.

Soudain, un frisson naît sur mes bras avant de se répandre le long de mon épine dorsale. Je tremble quelques secondes, comme si le froid s'était subitement emparé de mes membres. Je finis par grogner quelques paroles incompréhensibles quand une voix rauque que j'ai l'impression de reconnaître me sort progressivement du néant. La caresse d'un souffle chaud agréable près de mon oreille et j'échappe un gémissement étouffé avant de simuler une toux au moment où je réalise où je me trouve et avec qui.

— On est arrivé Rose, réveille-toi.

Sa paume contre mon bras, sa voix près de mon oreille. Je frissonne à nouveau. Je bats des paupières un instant, complètement perdue. Quand je croise son regard acier amusé, je me redresse précipitamment, gênée.

— Excuse-moi, je...

— Pas de quoi, t'as bien fait, tu seras en forme pour ma grand-mère, elle est du genre très bavarde.

— Ça ne te dérange pas ?

— Que t'ai dormi durant le trajet ? Non, je suis d'une humeur de chien de toute façon quand j'ai pas mon quota de sommeil et ma dose de café...

Il rit ouvertement devant ma tête qui doit ressembler à celle d'un animal surpris en pleine nuit par les phares d'une voiture. Comme d'habitude, il se fiche de moi. Insupportable et provocant, voilà les deux mots qui le caractérisent le mieux à cet instant. Il joue et je tombe dans le panneau comme une débutante. Agacée, je le pousse franchement en sortant du véhicule et il ricane encore plus fort.

— T'as la marque de ta veste sur la joue la furie !

Déterminée à ne pas le laisser prendre l'ascendant, je fonce vers la porte d'entrée, mais il me rattrape et s'empare de mon poignet, me faisant faire volte-face.

Nouveau frisson.

Je baisse les yeux, essayant de cacher mon trouble du mieux que je peux. Qu'est-ce qui m'arrive ? Ce n'est plus possible, ce mec me met les sens à l'envers. Je passe du rire aux larmes, de l'énervement à ces picotements qui me chatouillent le ventre quand il change subitement d'attitude, devenant plus doux. Je n'en peux plus de ses sautes d'humeur, je ne sais jamais à quoi m'attendre avec lui. Et pourtant, il m'intrigue, que je l'admette ou pas.

Je relève les yeux et je remarque le même trouble dans le fond de ses pupilles que celui qui doit habiter les miennes. Un mélange d'amusement, de crainte, d'incompréhension aussi. Le gris glacial a fait place à ce gris bleu lumineux, cette nuance d'après tempête quand le calme revient...

Son arrogance provocante dessine un ourlet diabolique sur sa lèvre et son unique fossette se profile, laissant mon imagination faire le reste.

— T'es calmée la furie ? C'est tellement drôle, tu réagis au quart de tour !

— Çà t'amuses ?

— T'allais où comme çà ?

Je regarde autour de nous et tourne mon regard vers le petit portail que je m'apprêtais à franchir. Lorsque nos iris se croisent à nouveau il a encore ce regard sûr de lui, provocant et j'ai envie de lui faire bouffer son sourire. Même si j'avoue que cette unique fossette me paralyse. Je ne vois qu'elle et mes pensées se brouillent. Je m'imagine poser mes lèvres dans ce creux, y glisser ma langue. C'est pas possible, qu'est-ce qui m'arrive ?

A l'encre de ton coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant