Chapitre 2

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Noah Soden

Mes yeux sont ouverts, pourtant tout reste noir. Je tâtonne frénétiquement le matelas à côté de moi jusqu'à mettre la main sur mon portable, et baigne aussitôt la pièce d'une lumière blanche. Il fait nuit, j'ai dû m'endormir dans l'après-midi, et le volet est fermé. Fermé en entier. 

— Simon ! J'appelle.

Il y a du mouvement dans le lit d'à côté. Je me redresse, et attends que mon colocataire soit tourné vers moi pour désigner la fenêtre. Il percute tout de suite. 

— J'avais oublié, chuchote-t-il, y a eu les vacances, j'ai... J'y pensais plus. 

— Remets tes souvenirs en place alors.

— Oui, pardon. 

Sa voix a tremblée. Je quitte la pièce sans rien ajouter et serre les poings une fois dans le couloir. Je comprends pas. Je comprends pas comment il peut avoir aussi peur de moi alors qu'il me voit flipper dès qu’il fait un peu trop noir.

Je me déplace sur la pointe des pieds jusqu'à atteindre la fenêtre au bout du couloir. Elle est scellée par un cadenas rouillé que je retire sans bruit. Ça fait deux ans déjà que je l'ai cassé, personne ne s'en est encore rendu compte. En sentant le vent frais de la nuit caresser mon visage, je réalise que ça m'avait manqué. Pas le reste, juste ça, mon issue de secour, mes escapades nocturnes.

J'enjambe le cadre de la fenêtre et atterrit sur une corniche minuscule qui dépasse à peine de la façade. Le vent souffle plus fort dehors, fouette mes cheveux et menace mon équilibre. Je baisse les yeux sur le précipice qui me fait face pour l’affronter. J’ai besoin de ça, j’ai besoin de me prouver que j’ai assez de courage. 

Je vais en avoir besoin pour supporter une année de plus ici. 

Je décolle mon dos de la paroie pour me déstabiliser encore. Ça ne suffit pas, il faut que j'aille plus haut. J'attrape la gouttière à ma droite sans même avoir besoin de tourner la tête, et m'en aide pour monter d'étage en étage, appuyé ici et là d'un rebord de fenêtre ou d'une pierre mal incrustée dans le mur. 

Une poignée de secondes me suffisent pour arriver en haut. Le toit n'est plus qu'à quelques mètres, je saute pour agripper le rebord et me retrouve suspendue au-dessus du vide. Mes bras peinent à supporter mon poids, je devrais monter avant qu'il ne soit trop tard, mais je dois faire un test. 

Je ferme les yeux, inspire doucement... Et lâche une main. 

Ça me fait mal. Dans les muscles, la main, l'épaule, pourtant je prends le temps de me concentrer, respirer doucement, et écouter les battements de mon cœur. Ils sont lents.

Le test est réussi. 

Je me raccroche à deux bras et me hisse sur le toit. Ma main saigne, ce n'est pas la première fois que je me blesse comme ça. Mais l'année débute à peine, je ne devrais pas en être là.

Je fouille la poche de mon jogging pour en sortir un petit sachet d'herbe. Partit comme c'est il ne va pas durer longtemps, mais pour ce soir, il sera mon sauveur. 

Assis les jambes dans le vide, je fume en observant la forêt devant moi. Elle est immense, trop dense, impénétrable. La ville la plus proche se trouve à cent kilomètres d'ici, tout ce qu'on a c'est des arbres, des arbres à perte de vue. Le pensionnat n’est pas seulement isolé... 

Le pensionnat KeppelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant