Chapitre 10

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Lana Parker

— Il a vraiment une sale gueule aujourd'hui, commente Kally. 

Elle observe Noah, assis un peu plus loin dans le réfectoire avec le mec à la tête d'intello. Simon je crois. 

— Tu t'inquiètes pour lui ? Je demande avec un sourire. 

— Non ! dément-elle aussitôt. Je dis juste qu'il a mauvaise mine ! 

— Va le voir puisque ça te préoccupe autant, j'insiste pour la faire chier. 

— Tu sais que t'as de la chance que j'ai un truc à me faire pardonner, grogne-t-elle. Parce-que t'es insupportable. 

Je hausse les épaules et baisse les yeux sur mon portable. L’heure de mon rendez-vous approche. Je me suis réveillée d’une bonne humeur incohérente ce matin. Comme si mon cerveau se contentait de flotter au-dessus des événements. J’aimerais pouvoir conserver cet état en permanence, mais je sais par quel moyen il faudrait que je passe pour ça, et je refuse de tomber là-dedans. Il manquerait plus que ça… 

— Il faut que j'y aille, je déclare en empoignant mon plateau pour me lever.

— Fait tout ton possible, lance Astrid. On ne sait jamais... Tu pourrais t'en sortir. 

Je hoche brièvement la tête. Je n'ai encore jamais rencontré la directrice en personne, mais mes colocataires m’ont avertie. Elle serait effrayante. 

J'atteins la porte de son bureau avec une minute d'avance, et frappe doucement, le poul à peine plus rapide que la normale. Je devrais sûrement appréhender plus que ça. Ma place dans cette école n'est pas la seule chose en jeu, tout mon avenir l'est. Si je rompt l'accord, ma sanction initiale reviendra sur le tapis. Mais je me sens complètement détaché, comme si je regardais les événements de haut, en simple spectateur. 

— Entre, ordonne une voix depuis l'intérieur du bureau. 

J'abaisse la poignée, pousse la porte, et reste figée sur place. On m’a décrit une femme “effrayante”, et c’est surement stupide de ma part, mais je m’attendais à ce que cela se traduise par une apparence stricte ou repoussante. C’est tout l’inverse. La directrice se tient immobile derrière son bureau, et l’espace d’une seconde j’ai l’impression de contempler une statue de bronze. L'image se brise lorsqu’elle lève ses yeux sur moi. Des yeux verts que je reconnaîtrais entre mille.

C’est elle qui se trouvait à mon procès. Elle qui m'a faite signer l'accord. 

— Bonjour Lana, lâche-t-elle distraitement en replongeant le nez dans ses papiers. 

Elle me fait signe de m'asseoir. Je prends place en face d’elle, et laisse mon regard s’échapper par la fenêtre.

— J'imagine que tu sais de quoi tu es accusé ? commence-t-elle.

— De vol. 

Elle relève la tête au moment où je détourne la mienne de la fenêtre et nos regards s’accrochent. Son visage est hypnotique, j’ai beau le scruter, rien ne dénote. Chaques détails semblent avoir été réglés au millimètre près. 

— Et quand je suis venu te sauver la mise, poursuit-elle dans un souffle, de quoi étais-tu accusée ? 

— De vol, je répète. 

— Tu comprends donc où est le problème ? 

Je me contente d’abord de hocher la tête, mais quelque chose me secoue à l’intérieur de ma conscience. Il faut que je me défende. Et même si c’est plus simple de tout survoler, pour me défendre il faut que je sois là. Vraiment là. Je me fou une claque mentale qui me ramène brutalement à la réalité, et prend conscience de trop de choses à la fois. Le bureau est surchauffé, mon petit déjeuner me pèse sur l’estomac, la ceinture de ma jupe est trop serrée… Je passe ma langue sur mes lèvres trop sèches avant de réussir à prendre la parole : 

Le pensionnat KeppelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant