Le pensionnat Keppel

Chapitre 6.1

Lana Parker 

— Ton IMC est dans la moyenne, tout me semble correct, annonce l’infirmière.

Son tampon s'écrase sur mon dossier pour y inscrire le mot "apte" à l'encre rouge. Je le récupère, me rhabille, et sort dans la foulée. La salle d'attente de l'infirmerie est remplie. Tous les élèves de troisième année inscrits au programme de redressement ont été convoqués pour une visite médicale obligatoire cet après-midi. Apparemment c'est le même rituel chaque année, le programme de sport qu'on nous impose est intense, il faut s'assurer que notre forme physique puisse suivre pour éviter les accidents. 

Je traverse la salle pour sortir, puis après m'être assurée qu'aucun tuteur ne traîne dans les parages, j'extrais mon portable que j'avais coincé dans l’elastique de ma jupe. Les notifications défilent sur mon écran et je sers les dents. Je n'ai prévenu personne avant de quitter New York, tout est allé trop vite. Le drame avec ma tante, la maladie de mon père, la connerie, le procès… Tout s’est enchaînés jusqu’à mon arrivée ici, sans jamais me laisser l’occasion de faire le point. Et je ne veux pas. Je ne veux pas faire le point, je veux que tout continue de s'enchaîner aussi vite pour m'empêcher d'y penser. 

J'efface mes notifications sans en consulter une seule. New York est derrière moi, et la facilité avec laquelle j’ai tout abandonné prouve qu’en réalité je n’avais rien là-bas, pas une seule accroches. Plus une seule accroche. Mais ça n’a pas d’importance, parce qu’aujourd’hui je suis à Keppel, et tout ce qui importe, c’est que je passe cette puatian d'année.

Je range mon portable et retourne dans la salle de repos où je passais le temps avec Astrid et Kally avant mon rendez-vous. Elles sont sur le point de partir. 

— Impossible de la supporter même de loin, m'explique Kally en désignant un canapé à quelques mètres. 

Eryn est assise là avec une autre fille que je reconnais. Emma. On a visité le pensionnat ensemble.

— Vous croyez pas qu’on devrait la mettre en garde ? je suggère. Elle est nouvelle aussi, elle y a droit autant que moi. 

— Tu l'as bien regardée ? rétorque Kally. Elle fait peur à personne, elle craint rien. 

— Mais elle est avec Eryn...

— Quand on est nouvelle, il vaut mieux avoir Eryn comme allié que comme ennemi, intervient Astrid avant de me jeter un coup d'œil par dessous.

C'est suffisamment inhabituel pour que je comprenne le reproche sous-entendu. 

— J'ai seulement fait ce que tu m'as demandé, je proteste, j'ai écouté. 

— Tu aurais dû t'assurer qu'elle ne s'en rende pas compte. 

Je soupire. J’aurais dû, en effet, etcette erreur stupide ne cesse pas de me tourner dans la tête. J'ai préféré prétendre à Astrid et Kally qu'Axel m'avait surpris en train de les suivre, c'était moins... Humiliant.

— Ce qui est fait est fait, mais évite d'aggraver ton cas en allant parler à Emma, conclut Kally. 

Elle ouvre la porte de la salle et me fait signe de passer devant elle. Je me retourne une dernière fois pour regarder Emma avant de sortir.