Chapitre 29

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Lana Parker

L'alarme de mon téléphone me tire d'un sommeil léger. Je fixe le plafond un instant, des images flous tirées des cauchemars qui ont pourris ma nuit pleins la tête. 

— Lana coupe ton truc ! ordonne soudain Kally. 

Je me redresse dans un sursaut et éteins mon alarme. Kally se retourne dans son lit pour me jetter un regard noir, encore ensomeillé. 

— On est dimanche ! Depuis quand tu te lèves le dimanche ? 

— J'ai un rendez-vous, je prétends en sautant hors de mon lit. 

Le sol de la chambre est jonché de vêtements, tous les mêmes. Je ramasse une chemise, un pantalon, et une cravate au hasard, sans être sûr qu'ils m'appartiennent, puis migre vers la salle de bain. 

Mon reflet me fait grimacer, j'ai une sale gueule. J'ouvre le placard sous le lavabo pour trouver de quoi arranger ça, puis me rappelle que mon maquillage est resté dans la chambre de Noah. Au moins il n'y a pas de faux-semblants, j'ai l'air de ce que je suis : sur les nerfs et fatiguée. 

Je passe de l'eau sur mon visage, enfile mon uniforme trop grand, qui n'est définitivement pas à moi, et quitte le dortoir. 

Je n'ai pas le droit à l'erreur. Je ne sais pas quand Simon va retrouver Luke pour lui remettre son devoir, mais je ne peux pas rater ce moment. Je vais devoir le coller toute la journée. Ce serait plus simple d'avoir Noah pour m'aider, mais j'ai préféré ne pas lui parler de mon plan. 

J'avais déjà remarqué qu'il était protecteur avec Simon. La première fois que j'ai parlé de le filmer, il m'a fait une scène. Mais c'était plus flagrant hier, il l'apprécie plus que je ne le pensais. 

Je vais me poster en bas de l'escalier qui mène au dortoir des garçons, où j'ai au moins la certitude que le rendez-vous de Luke et Simon n'aura pas lieu, il est trop fréquenté. Je poirote plus de deux heures avant de voir enfin sa gueule d'intello débarquer. 

Il ne fait pas attention à moi alors que je le suis jusqu'au réfectoire. Je m'assois de sorte à l'avoir dans mon champ de vision. Il mange seul. Vieux réflexe du collège, je me surprends à le prendre en pitié, avant de réaliser que moi aussi, je suis seule. 

À une époque j'aurais préféré aller me cacher aux toilettes plutôt que d'être vue sans compagnie, à une autre époque, j'aurais tout fait pour que tout le monde sache que j'assume, maintenant, je m'en fiche. Je suis passé d'une fille timide et renfermée à une fille qui a des choses à prouver, puis ma tante est morte, et j'ai arrêté de me soucier de tout ça. 

Parce que mon père allait mal, parce que je devais gérer mes sautes d'humeurs, parce qu'un tas d'événements incontrôlables se sont enchaînés et que je n'ai plus eu le temps de réfléchir à rien. 

J'ai l'impression de vivre dans une parenthèse depuis. Une parenthèse qui se refermera quand j'aurais retrouvé mon père et quitté Keppel. Mais comment cette parenthèse m'aura laissée ? Je ne pourrais pas redevenir celle que j'étais avant tout ça. J'ai grandis, je grandis encore. Je ne sais pas ce que je suis en train de devenir.

Je ne sais pas si ça me plaît. 

Simon se lève sans me laisser le temps d'y penser plus longtemps. Je laisse mon petit-déjeuner en plan pour partir à sa suite. Il retourne au dortoir, pour moins longtemps cette fois, et récupère seulement des affaires avant d'aller travailler dans une salle d'études. 

Deux élèves viennent chercher leurs devoirs, mais pas de Luke. Je dois encore attendre jusqu'à la fin de matinée pour que Simon bouge à nouveau. Il monte dans les étages du pensionnat, réservé aux salles de classes, complètement désert le dimanche. J'ai de plus en plus de mal à le suivre sans me faire répéter. Quand il tourne à l'angle d'un couloir et que j'entends Luke le saluer, je recule d'un pas derrière le mur, ne laissant que mon portable dépassé pour filmer la scène. 

Le pensionnat KeppelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant