Chapitre 4

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Noah Soden

Mes pas résonnent sur le parquet immaculé du sous-sol. J’ai toujours détesté cet endroit, le plafond est trop bas, la lumière trop artificielle et l’air trop humide. Quand je regarde ces murs de pierre épais, la même question irrationnelle me vient toujours. Comment respirer alors qu’il n’y a aucune fenêtre ? Les grilles d’aération au plafond ne suffisent pas à me rassurer, je dois toujours observer les autres élèves pour constater que je suis le seul à suffoquer et me prouver que je délire. 

Mais aujourd’hui, je ne croise personne avant de m'arrêter devant l’une des nombreuses portes en bois vernis qui s’alignent dans le couloir. Je m’adosse au mur d’en face et retrace du doigt une fissure dans la pierre pour me distraire. L’imaginer grandir, poussé par la pression de la terre au dehors, ne m’aide pas à me calmer. Je sursaute quand la porte s’ouvre devant moi. Un élève sort, puis une voix m'appelle depuis l’intérieur de la pièce. Une voix de femme, ce n’est pas normal. Le psychologue qui me suit depuis la première année est un homme. 

— Assieds toi, invite la rousse d’une trentaine d'années que je découvre en entrant. Tu es bien Noah Soden ? 

— Où est le docteur Howard ? je demande sans lui répondre. 

— Il a démissionné, c’est moi qui le remplace. Tu ne veux pas t'asseoir ? 

Je prends place sur le petit sofa gris les dents serrées. J’avais trouvé l’équilibre parfait avec Howard, parler sans rien révéler, confier de faux problèmes, et simuler des faiblesses pour qu’il pense les réparer. Il croyait bien faire son job et moi j’étais tranquille, on y gagnait tous les deux. Mais tout est à refaire maintenant. 

— Mes séances avec lui ne duraient qu’une demi-heure, je m’empresse de préciser. 

Je ne sais pas si je pourrais tenir au-delà enfermé dans ce foutu sous-sol. 

— Mais le temps imposé est d’une heure, relève la psychologue,  je ne suis pas en droit de le réduire.

— Une heure par semaine c’est beaucoup trop ! Vous verrez qu’on aura plus rien à se dire bien avant la fin de la séance. 

Elle fait non de la tête. 

— C’est la première fois qu’on se rencontre, on aura forcément des choses à se dire. Même si le docteur Howard m’a transmis ton dossier, j’aimerais tout reprendre depuis le début. 

C’est complètement inutile, mais pas une si mauvaise chose. Je sais quels sont les éléments les plus importants de mon dossier, et je sais exactement quoi en dire. 

— Pour commencer, est-ce que tu peux me parler de tes parents ? 

Je me redresse sur le sofa et appuis mes coudes sur mes genoux avant de déballer mon texte. Je ne mens pas, ou en tout cas pas par mes mots. C’est l'attitude qui fait tout. Paraître plus affecté par un certain point incite la psychologue à le creuser davantage, en manœuvrant ainsi je l'emmène ou je veux, et je ne révèle que ce que je choisis. 

Quand elle me libère enfin, je dois serrer les poings pour empêcher mes mains de trembler. Je n’étais jamais resté aussi longtemps au sous-sol. J’avance d’un pas rapide vers la sortie, et n’ai pas le temps de m’arrêter quand un bras se tend devant moi. 

Le pensionnat KeppelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant