Le pensionnat Keppel

Chapitre 38

Lana Parker

C’est la première fois que je vois ça : il y a la queue pour quitter le dortoir. L’alarme qui nous réveille chaque matin depuis le début de l’année à sonnée une demi-heure plus tôt aujourd’hui. La directrice n’avait pas mentionné ça parmi les nouvelles règles hier, je me demande combien de surprises de ce genre on risque encore de découvrir. 

— Ils vérifient nos uniformes, chuchote Kally en désignant les deux tuteurs qui bloquent le passage à la sortie du dortoir. 

Je me dresse sur la pointe des pieds pour voir la scène. Plusieurs filles sont en train de renouer leur cravate, rentrer leur chemise dans leur jupe, et même se démaquiller au beau milieu du couloir. Je repère aussi une poite dans les bras de l’un des tuteurs, remplie de téléphone portable. 

Je serre le mien dans mon poing en grimaçant. Il va me manquer. 

Quand notre tour arrive de passer devant les tuteurs, Astrid se fait engueuler pour sa chemise qui serait “trop grande”, Kally est suspecté d’être maquillée, et je dois les attendre plusieurs minutes avant qu’elles ne soient enfin autorisées à avancer. 

— Dès que je récupère mon portable j'en parlerais à mes parents, marmonne Kally. C’est n’importe quoi. 

Peu importe le nombre de parents qui se plaignent, la directrice les ignorera. Mais la voir mettre soudain autant de règles en place a un côté satisfaisant. 

Elle a peur. C’est tout ce que ça prouve. 

L'ambiance est agitée au réfectoire, tout le monde a son mot à dire sur ce qu’il s’est passé à la sortie des dortoirs. Kally passe un moment à me regarder sans rien dire avant de demander : 

— Tu comptes toujours parler à Eryn aujourd’hui ? 

Je hoche la tête. Ni elle ni Astrid ne font de commentaires. je sais qu’elles désapprouvent, mais elles ont surement aussi peu envie que moi qu’on s’embrouille en ce moment. La situation est déjà bien assez merdique. 

Quand je me rends en cours, croiser le regard d’Adam me fait serrer les poings. Il continue d’arriver avant tout le monde, de s’asseoir au premier rang et de ne parler à personne, comme si de rien était. Je ne sais pas ce que je m’attendais à voir changer dans son comportement, je constate juste qu’il est très doué pour tenir son rôle d’élève modèle et prétendre qu’il ne s’est jamais rien passé pour quelqu’un qui déteste autant mentir.

Je m’installe à côté d’Astrid. On entame la journée avec madame McLynn, qui n’a jamais dérogé à sa réputation de pire professeur du pensionnat depuis que je la connais. Je n’ose pas imaginer la satisfaction que doit lui procurer la nouvelle politique de l’établissement. Je sors mon cahier et me met à relire son dernier cours en vitesse, anticipant les questions qu’elle s’amuse à poser chaque début d’heure pour distribuer des retraits de points aux élèves qui ne savent pas y répondre. 

Je n’ai pas encore terminé lorsqu’Astrid me tape sur l’épaule. 

— Regarde ça ! 

Je lève la tête et je me fige. Hier soir, Tyler est allé voir dans sa chambre et m’a confirmé par message que ses affaires n’y étaient plus. Je n’avais plus aucun doute sur le fait qu’il soit partit. Pourtant Axel vient d’entrer dans la salle. McLynn lui reproche son très léger retard, il lui donne un mot sans rien dire, et s'assoit à la première place libre, à côté d’Adam. 

Ce dernier aussi semble surpris de le voir. Visiblement son retour n’était pas prévu, mais il change beaucoup de chose, et surtout, il m’arrange.