Chapitre 52

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Noah Soden

Lana est venue avec moi dans la cour. On n'a pas le droit d'être ici, le dîner est passé, la nuit tombe, mais on a vu la directrice quitter son bureau il y a quelques minutes, et l'occasion qu'on attendait se présente enfin. 

La fenêtre est restée entrouverte. 

— Qu'est-ce que t'en pense ? demande Lana.

J'observe la façade du pensionnat depuis plusieurs minutes, essayant de repérer d'ici les reliefs qui pourraient m'aider à grimper.

— C'est faisable. 

La fenêtre la plus proche est accessible, je peux sortir par là en passant par le dortoir des filles. Il faut juste que je me débrouille pour ne pas être vu. 

— Tu es sûr de toi ? insiste Lana. Simon avait raison, ça a l'air bien plus compliqué que de monter sur le toit. 

— Je suis sûr de moi. 

Peut-être pas vraiment, mais je suis sûr de notre plan, je veux pas tout faire foirer. Il faut en finir avec ce pensionnat. 

Ça n'a jamais été pire ici que chez moi, mais j'ai juste besoin d'accomplir quelque chose, de faire payer quelqu'un, de me donner l'impression que je n'ai pas subis ces trois années pour rien.

Ces trois années, et les seize qui ont précédé. J'ai envie qu'elles brûlent. 

— Tu peux te charger de distraire le tuteur à l'entrée du dortoir ? j'interroge. 

Lana hoche la tête. On retourne à l'intérieur ensemble, et elle m'arrête avant de partir devant pour faire diversion.

— Ne tombe pas, ordonne-t-elle. 

— J'en avais pas l'intention. 

Elle tend la main vers moi, comme pour prendre la mienne ou me caresser le bras, mais la laisse retomber sans rien faire et détourne le regard. 

— Bonne chance, lâche-t-elle seulement avant de partir.

Je perçois les bribes de sa conversation avec le tuteur qui surveille le dortoir. Elle baratine une histoire de fuite d'eau, et leurs voix s'éloignent jusqu'à s'évanouirent complètement. 

J'entre au dortoir et traverse le couloir d'un pas rapide jusqu'à la fenêtre. Elle ne peut pas s'ouvrir en entier, seulement sur le dessus comme le veut les règles de sécurité de l'école, mais j'ai déjà fait face à ce problème. 

Il y a des placards a balais dans tous les dortoirs pour que les élèves aient de quoi nettoyer leur chambre. J'y vais, récupère une serpillère, passe le manche dans l'ouverture pour faire levier et appuis dessus jusqu'à ce que la fenêtre cède. Ça ne prend que quelques secondes. 

Je m'assois sur le rebord, les jambes dans le vide jusqu'à être certains qu'il ne me fasse plus aucun effet. Même pas un pic d'adrénaline. Je me suis tellement raccroché à ce plan que je n'arrive plus à ressentir quoi que ce soit d'autre que l'impatience d'arriver au bout. 

Je vérifie une dernière fois que la lettre soit dans ma poche avant de me lancer. Je me concentre sur chacuns de mes mouvements, chacunes des prises que je repère, et chacunes des inspirations que je prends. Même ça pourrait suffire à me déséquilibrer si je ne les maîtrise pas. 

C'est tout ce qu'il y a dans ma tête. Je n'ai pensé à rien d'autre quand j'atteins la fenêtre du bureau, pas une seule seconde. 

Mais ça revient. Je pousse la fenêtre, met les pieds dans le bureau, hors de danger, et ça revient. Je me remets immédiatement à penser, à un tas de trucs, bien trop encombrant même si je ne ressens pas grand chose. 

Le pensionnat KeppelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant