Héphasie nageait sur un petit nuage. Sa dernière rencontre avec Alex les avait indubitablement rapprochés. Il avait découvert la vérité, et cela n'avait fait que décupler leur ardeur. Quelque chose de plus que le sexe sous-tendait leur relation, et cela la rassurait. Ils se faisaient confiance, comprit-elle. Et elle l'aimait. Oui, elle le savait à présent, elle l'aimait.
Chaque instant passé avec lui la comblait d'extase et, quand elle était loin de lui, il occupait malgré tout continuellement ses pensées. Ses beaux yeux sombres lui étaient chers et elle y revoyait sans cesse sa malice et son désir pour elle.
Plus important encore, elle s'aimait en sa présence. Pas seulement grâce à sa manière à lui de la regarder. Mais pour son audace, à elle, qu'elle découvrait au contact de son amant. Elle n'avait plus peur, ou du moins plus autant, et les choses paraissaient donc plus faciles.
Ses amies, bien sûr, remarquèrent son ton guilleret, et son air d'amoureuse transie ne leur échappa pas. Ni une, ni deux, elle fut interrogée de manière méthodique, cette fois-ci par trois jeunes filles avides de détails, Hortense étant revenue de son séjour à la campagne.
— Je ne te demanderai pas qui, cela est évident. Mais je veux savoir : où ? Quand ? Comment ? Quoi ? Combien ? Pourquoi ? la bombarda Iris, la plus enragée de toutes. Quoique, oublie le combien, les maths n'ont rien à voir avec notre affaire.
Héphasie rit de bon cœur et se plia volontiers à ce jeu de questions et de réponses. Elle leur raconta même par le détail les sensations qu'Alex lui avait fait découvrir, ainsi que ce qu'elle-même lui avait fait subir.
— Je ne pensais pas qu'on pût faire tant de choses, remarqua avec son honnêteté et sa naïveté coutumière la pure Hortense.
— Tout cela me dégoûte, commenta Diane en frémissant.
Quant à la grimpeuse experte, on ne l'arrêtait plus. Chaque révélation de son amie appelait de nouvelles interrogations, dont elle l'assaillait sans vergogne.
— Qu'est-ce que ça t'a fait ? D'avoir son sexe dans ta bouche, je veux dire ?
— Iris ! s'exclama la plus chaste de ces quatre demoiselles, indignée.
— Eh bien quoi ? Il faut nous informer. L'ignorance est le pire fléau qui soit.
De son côté, l'archère secouait la tête, dépitée par ce discours. La peintresse répondit tout de même, pas le moins du monde découragée par ce public exigeant :
— C'était agréable dans le sens où j'avais du pouvoir sur Alex. Je lui procurais ce plaisir. Mais j'ai connu mieux, c'est vrai. J'ai bien cru que j'allais m'étouffer, au départ ! Enfin, j'imagine que l'on s'y fait.
— Tu n'as pas besoin de t'y faire, rétorqua amèrement Diane. D'ailleurs, tu ne le devrais pas. Si tu n'aimes pas cela, ne le fais pas, c'est tout.
— Je ne suis pas d'accord. C'est un échange, cela va dans les deux sens. Et en vérité, cela m'a tout de même plu. C'était très intime... Le meilleur, c'était les gémissements de mon beau brun.
— Je crois que je vais vomir, répondit son interlocutrice, pince-sans-rire.
Hortense réajusta une mèche châtaine pour dissimuler sa gêne et changea abruptement de sujet, ce qui soulagea la conteuse actuelle :
— Vous ai-je raconté mes mésaventures au domaine ? C'est bien ce qu'il me semblait, dit-elle en voyant les mouvements négatifs de la tête de ses amies. J'ai joué avec mon neveu à colin-maillard, puisqu'il me le réclamait depuis des jours. Ce petit filou me préfère à son père, car il sait bien que je tombe toujours, alors, avec un bandeau sur les yeux... Cela l'amuse inévitablement, et comme il y a plus de peur que de mal, je recommence volontiers. Sauf que cette fois-ci, j'ai totalement perdu mon sens de l'orientation et j'ai marché trop longtemps dans la même direction. Résultat, j'ai atterri dans le lac. Je jure que l'on ne m'y reprendra pas ! Ce jeu de malheur finira par avoir ma peau, sinon.
Son auditoire éclata unanimement de rire.
— Tu es trop bonne, tu recommenceras, j'en suis certaine, prédit Diane. Et un jour, on te retrouvera morte de faim au fond d'une forêt car tu n'auras pas su retrouver ton chemin.
— J'espère bien que non, s'esclaffa la principale concernée.
Iris leur demanda ensuite si elles étaient toutes invitées au bal de Madame Lion, ce à quoi elles répondirent par l'affirmative.
— J'ai hâte de découvrir ton fiancé, confia-t-elle à Héphasie. Nous allons pouvoir juger de sa valeur.
Sa mine malicieuse inquiéta la jeune artiste, qui s'en ouvrit.
— S'il n'est pas assez bien pour toi, je l'éborgnerai, déclara avec le plus grand sérieux Diane, ce qui ne la rassura guère.
— Nous lui ferons des misères ! se réjouit l'habile grimpeuse avec un sourire sadique.
— Vous êtes plus pressées que moi de le voir, apparemment. Je ne pense qu'à Alex, et je ne veux certainement pas le trahir.
— Il ne se gênera pas, lui. Vous ne vous êtes rien promis, souleva très justement l'archère.
— Tu devrais donner une chance à ton fiancé, glissa Hortense de sa voix douce et persuasive. Il pourrait te rendre heureuse.
— Nous verrons, conclut la jeune femme. Mais je ne tirerai pas une croix sur Alex aussi facilement, c'est certain.
Après un bref instant, la peintresse se remémora une situation tout aussi dramatique et effectua une savante grimace.
— À propos du bal... je crains que ma mère n'ait encore frappé fort, en ce qui concerne ma robe. Je préfère vous prévenir pour que vous ne fassiez pas une crise d'apoplexie en m'apercevant.
— Je suis curieuse de savoir ce qu'elle a bien pu inventer, cette fois. En un sens, c'est un génie. Et ces derniers sont souvent incompris.
L'optimisme d'Iris amusa la galerie.
— La situation est critique, mes chères amies. Approchez, que je vous révèle l'étendue de ce désastre.
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Une vierge au bordel
Historical FictionHéphasie n'aime rien tant que dessiner. Déterminée à progresser, elle se rend régulièrement au bordel pour exercer son art, certaines prostituées acceptant d'y poser nues. Cependant, son mépris des convenances pourrait lui porter préjudice, d'autant...