Chapitre 22

1.1K 123 62
                                    

— Revoilà nos tourtereaux ! chuchota un peu trop fort Iris, si bien qu'Alexandre et Héphasie l'entendirent distinctement en revenant vers le petit groupe d'amies, toujours attablé.

Diane leva les yeux au ciel, tandis que Hortense émettait un léger gloussement des plus distingués.

— Vous prendrez bien le thé avec nous, votre grâce ? proposa poliment cette dernière.

— Avec plaisir, merci.

Le couple s'installa sur des chaises opposées tandis qu'Iris faisait le service.

— Le buvez-vous avec un nuage de lait, ou encore du sucre ? s'enquit-elle après avoir rempli leur tasse.

— Une cuillerée de sucre, s'il vous plaît. J'aime les douceurs, ajouta Alexandre en se tournant vers la peintresse.

L'habile grimpeuse gloussa, ce qui lui valut un regard noir de la part de la principale concernée.

— Alors vous prendrez bien une de ces délicieuses langues de chat que voici.

— Volontiers.

Le duc saisit un gâteau entre ses doigts et le porta à sa bouche pour le goûter.

— Délicieux, complimenta-t-il leur hôtesse, qui se contenta de faire un signe de tête de reconnaissance, visiblement peu en verve.

— Vous êtes à Paris depuis peu ? demanda Hortense sur le ton de la conversation. Il me semble qu'il faisait longtemps qu'on ne vous avait vu aux réceptions de la capitale.

— Effectivement, confirma le principal intéressé. Je passe la plupart de mon temps au domaine familial. Mon régisseur fait un excellent travail, mais j'aime assez m'occuper moi-même des lieux.

Héphasie, qui l'ignorait complètement, fut heureuse de lui avoir proposé de rester. Elle l'interrogea plus avant, un brin angoissée :

— Comptez-vous nous honorer de votre présence encore longtemps ?

Elle n'avait pas songé qu'il pourrait repartir à tout moment sans même lui dire au revoir. L'aurait-il fait, elle n'en aurait jamais rien su.

— Tout dépendra. J'ai une affaire importante à régler ici, mais il me tarde de retrouver la campagne. Cependant, je serais prêt à rester, si mes proches en faisaient l'expresse demande.

À ces mots, il dévisagea intensément l'artiste. Cette dernière comprit ainsi que cette remarque, tout comme cette « affaire » qu'il évoquait, la concernaient directement.

— Oh ? Pourrions-nous vous demander sans indiscrétion la raison précise de votre présence à Paris ? Vous attisez notre curiosité sans l'éclairer, c'est cruel de votre part, fit remarquer sans honte Diane, qui cherchait apparemment à le mettre mal à l'aise, puisqu'elle avait très bien saisi l'allusion.

Alex sourit devant tant de malice, et opta pour une réponse si honnête qu'elle ne pourrait que déstabiliser celle qui avait cherché à le mettre en mauvaise posture :

— À vrai dire, je courtise une dame de votre connaissance. Je souhaite ardemment l'épouser.

Héphasie rougit malgré elle. Cela n'avait certes rien d'un mystère, mais l'entendre dit à haute voix, devant d'autres personnes, rendait la chose infiniment réel. Elle tenta de détourner la conversation pour dissiper son malaise grandissant :

— Que faites-vous de votre temps libre ? J'imagine que vous avez une passion. Pour moi, il s'agit du dessin. Diane aime plus que tout se servir des armes, vous l'aurez compris. Quant à Iris, elle grimpe dans les arbres aussi habilement qu'un singe. Hortense est de loin la plus douée d'entre nous : elle écrit, lit à longueur de journée, joue du piano et chante à merveille.

Une vierge au bordelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant