Chapitre 33

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Une véritable débâcle avait cours dans la chambre d'Héphasie. L'annonce de son plan avait à la fois surpris, choqué et enchanté ses amies. Diane, bien sûr, était celle qui se montrait le plus dubitative. Quant à Iris, elle lui prodiguait d'innombrables conseils, quand bien même elle ne savait pas de manière empirique comment une femme donnait sa virginité à un homme. Enfin, Hortense, malgré son effacement habituel, paraissait survoltée : elle posait mille questions pratiques et cherchait à planifier chaque instant à venir, persuadée que tout se déroulerait selon ses pronostics.

Ce soutien indéfectible rassura évidemment la peintresse et la conforta donc dans son opinion : une petite entorse à la morale pouvait paradoxalement permettre de rétablir cette dernière. Si Alex et elle ne se mariaient pas après s'être ainsi abandonnés au péché de chair, n'était-ce pas pire ? Sa mère ne serait probablement pas de son avis, mais la possibilité qu'elle fût enceinte achèverait de la convaincre, elle en était certaine. Elle refuserait de prendre le risque de salir leur nom et de faire d'un pauvre enfant innocent un bâtard, souffre-douleur par excellence dans les cercles de la noblesse.

La jeune femme devait également reconnaître que ce plan comportait certains avantages non négligeables : il alliait l'utile à l'agréable. Elle rêvait depuis bien trop longtemps de succomber aux charmes du duc et à ses redoutables tentatives de séduction pour passer à côté de cette chance.

Si Diane se montra nettement moins enthousiaste, elle lui offrit cependant son soutien :

— Je m'occupe de dénicher ton Alex pour lui donner rendez-vous. Mais comment vas-tu faire pour le rencontrer en restant cloîtrée ici ? Ta mère va se poser des questions si tu sors après tout ce temps sans raison apparente.

— Ça, j'en fais mon affaire, répondit Iris. Je vais le transformer en un grimpeur expérimenté en deux temps trois mouvements !

— J'espère pour lui qu'il ne sera pas aussi mauvais élève que moi, hasarda Hortense, la mine inquiète. Nous ne voudrions pas qu'il se casse une jambe.

La talentueuse archère émit un petit rire.

— Ne t'en fais pas, il n'y a aucun risque qu'il termine plus mal que toi.

Son interlocutrice le reconnut avec grâce et s'en amusa même, fidèle à sa légendaire autodérision.

— Mais... cela veut dire que vous allez faire ça ici ? remarqua-t-elle un peu tard.

— Ma foi, c'est ce qui me semble le plus simple, répondit Héphasie. De toute manière, je veux mettre mes parents devant le fait accompli donc... s'ils nous voient, j'aurai la honte de ma vie, mais mon objectif sera rempli.

Diane frémit.

— C'est terriblement dégoûtant.

Iris, elle, bondit gaiement, dans un bel effet de contraste.

— Tout cela est follement excitant !

— Mais surtout très dangereux, rebondit la pragmatique Hortense. Et si ton père décide d'affronter le duc en duel pour lui demander réparation ?

Les trois amies échangèrent un regard amusé.

— Aucune chance, assura Héphasie.

— Aucune ! répéta Iris. C'est plutôt de ta mère qu'Alex devrait se méfier... Elle ferait sûrement en sorte de viser l'objet du crime.

La jeune femme éclata de rire à sa propre boutade. Diane lui assena un coup sur l'épaule en levant les yeux au ciel, mais elle ne put réprimer une moue amusée. Elle visualisait parfaitement la scène. Pour reprendre contenance, elle changea discrètement de sujet :

— Et si personne ne vous découvre dans cette situation... compromettante ? Tout cela n'aura servi à rien.

— C'est juste, convint Hortense, l'air pensif.

La jolie rousse gloussa et dit sur un ton chantant et malicieux :

— Il suffit qu'ils fassent du bruit.

Diane visa cette fois-ci la tête dans l'espoir d'en ôter ces idées ridicules. Comme souvent, Hortense trouva la réponse à ce nouveau problème et sauva ainsi l'intégrité corporelle de la pauvre Iris :

— Si le duc demeure dans le lit d'Héphasie jusqu'au petit matin, même s'il ne s'est rien passé, l'affaire sera conclue. Les serviteurs tireront les conclusions idoines et informeront aussitôt le maître de la maison.

L'habile grimpeuse poussa un soupir et admonesta Hortense, déçue :

— Tu n'es pas du tout romantique ! Il serait dommage que nos deux tourtereaux ne se prouvent pas leur amour.

La principale concernée demeura coite, mais ses yeux brillaient. Elle désirait de tout son cœur et de tout son corps Alex. Elle était impatiente de s'offrir à lui et ne reviendrait pas sur sa décision. De toute manière, au terme de cette nuit, ils seraient définitivement liés, alors autant prendre un peu d'avance...

En vérité, une inquiétude subsistait et la faisait douter : sa mère les marierait-elle vraiment ? Après tout, elle avait rompu les fiançailles en apprenant que les deux amants se fréquentaient au bordel. La question de l'honneur ne semblait pas l'inquiéter outre mesure. Toutefois, il n'y avait pour l'instant que peu de témoins, plutôt discrets en apparence. Si d'autres s'ajoutaient et potinaient, la situation changerait. Pour endiguer le flot de rumeurs, sa mère céderait. Du moins l'artiste l'espérait-elle... Il en allait de la réputation de toute sa famille, mais surtout de son histoire avec son séduisant duc.

Héphasie se morigéna intérieurement : seul comptait l'instant présent. S'il s'agissait là de ses derniers moments avec Alex, alors elle les savourerait, comme elle l'avait fait jusqu'alors. Elle ne pouvait prédire l'avenir.

La peintresse s'adressa au groupe qui attendait, étonnamment silencieux, qu'elle prît la parole :

— Il est temps de lancer l'opération dépucelage à tout prix !

Iris poussa de grands cris et leva les bras en l'air, faisant par là même rire Hortense. Diane, quant à elle, dégaina son couteau pour montrer qu'elle était prête à affronter la bataille à venir. Héphasie les contempla tour à tour, immensément reconnaissante et déjà comblée de bonheur. Même si cette aventure échouait, elle savait qu'elle pourrait toujours compter sur le soutien de ses trois merveilleuses amies. Et la réciproque était vraie, bien sûr.


Bonjour,

Ce message a seulement pour but de rendre à César ce qui est à César, ou plutôt à @pomme51, en l'occurrence. En effet, l'opération s'intitulait au départ mariage à tout prix, mais elle m'a soufflé dans les commentaires un nom autrement plus drôle... 

J'espère que ce chapitre vous a plu !

Une vierge au bordelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant