Épilogue

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Alex et Héphasie échangèrent leurs vœux dans une joyeuse débâcle. Dans l'église, les commérages allaient bon train. On se demandait pourquoi les fiançailles avaient été annulées avant d'être renouées, mais aussi pourquoi une licence spéciale avait été obtenue. On se rappelait évidemment la demande du duc, particulièrement romantique. En bref, ce couple faisait parler de lui : il étonnait et émerveillait tout à la fois. Certains flairaient le scandale, mais n'ayant aucune preuve, ils se contentaient d'élucubrer.

La robe de la mariée, elle aussi, attirait l'attention. On ne pouvait manquer la peintresse : le blanc de son vêtement était maculé de petites étoiles dorées. Pour une fois, le résultat n'était pas trop vilain, mais il était pour le moins étonnant, d'autant plus que le voile était également recouvert desdits brillants, si bien que la jeune femme devait plisser les yeux pour ne pas s'éblouir elle-même. Elle manqua trébucher plus d'une fois au cours de la cérémonie.

On remarqua cependant davantage encore certains invités, terriblement bruyants, et qui n'étaient autres que les proches des jeunes mariés. Les trois demoiselles d'honneur, plus spécifiquement, étonnèrent par leur vivacité. Diane avait consenti à abandonner ses couteaux pour l'occasion : il n'était pas convenable de venir armée dans une église, selon Héphasie, et elle avait dû se ranger à l'avis de son amie pour lui faire plaisir. Elle trouva malgré tout le moyen de menacer discrètement Alex une dernière fois pour s'assurer de sa bonne foi, sous le regard paniqué de la pauvre Hortense. Iris, quant à elle, riait et flamboyait plus fort que jamais. Violette sanglotait bruyamment sur le banc et parlait toute seule : elle répétait comme une litanie « mon bébé... » et effrayait ceux qui tentaient de la réconforter. Armand et la mère du duc étaient somme toute les plus sages de l'assistance, mais c'était sans compter sans toutes les filles de cette dernière. Les trois demoiselles d'honneur trouvèrent vite en elles des alliées pour s'en prendre à Alexandre : un complot s'ourdissait déjà dans l'ombre...

Celui-ci devrait cependant attendre la fin des noces des jeunes mariés pour voir le jour. Le moment des « au revoir » arriva, créant là encore un joyeux bazar. Des personnes dont nous ne citerons pas les noms pour ne pas les accabler se précipitèrent au cou d'Héphasie, et, par extension, à celui d'Alexandre, qui n'avait rien demandé mais qui était dans les parages et dut donc subir cet assaut. Une bottine s'égara comme par hasard dans l'opération sur le pied du duc, qui retint un cri de douleur terrible pour tâcher de ne pas perdre sa dignité devant tant de monde. Quand il fut de nouveau capable de prononcer un mot, la coupable était déjà loin, et il garda donc pour lui ses imprécations.

Ils partirent après avoir reçu les dernières recommandations de Violette :

— N'oubliez pas de me faire des petits-enfants. Plus il y en aura, mieux ce sera. Vous savez ce qu'il vous reste à faire.

Les deux époux n'aimaient pas vraiment obéir aux ordres, mais ils comptaient bien honorer celui-ci... pour des raisons qui n'avaient rien de lubrique, bien entendu.

*

Héphasie et Alex étaient dans un des domaines de ce dernier depuis déjà une semaine. Celle-ci était passée promptement : le duc se faisait un devoir de faire visiter ses endroits préférés à sa jeune épouse... et en profitait généralement pour l'explorer, elle. Il s'y appliquait tant et si bien que cela requérait tout leur temps. Et cela tombait bien, car ils en disposaient à foison.

Aujourd'hui, la peintresse avait demandé au duc de faire son portrait, en souvenir de leur rencontre au bordel. Elle n'attendait pas un résultat grandiose, mais espérait bien en profiter pour aguicher son mari dans les règles de l'art. En se rappelant de l'argument qu'avait eu Alexandre à ce moment de sa vie pour la convaincre de se découvrir, la jeune femme décida de l'utiliser à nouveau :

— C'est la première fois que je pose, je ne suis pas très à l'aise... Je me sentirais mieux si nous étions à égalité, dit-elle en déployant ses jeux d'actrice et en lui coulant un regard timide.

Elle battit des cils tandis que son époux se retenait à grand-peine de rire. À la place, il hocha la tête.

— Je comprends. Bien sûr, je vais moi aussi me déshabiller.

Cette fois-ci, Héphasie ne garda aucun vêtement. Après tout, c'était elle, le modèle... Pourtant, le duc ne conserva rien non plus. Pour la mettre plus à l'aise, cela allait de soi. Il la guida jusqu'à une méridienne, une main au creux de ses reins nus. Malgré tous ces jours d'amour passés ensemble, le jeune homme trépignait d'impatience à l'idée de toucher sa belle, et il en serait sans doute toujours ainsi. Il se contrôla toutefois : il avait une œuvre à réaliser !

Il prit place derrière la toile sous le regard scrutateur et terriblement coquin de sa femme. Elle avait pris une posture décadente qui le charmait : le dos contre l'accoudoir de droite, ses jambes fines pendaient de l'autre côté de son jumeau et elle avait le visage tourné vers lui. Elle se mordillait la lèvre inférieure, un bras reposant contre sa cuisse dans un geste gracile, l'autre sur son entrejambe pour le dissimuler. Toutefois, cela donnait d'autres idées à son peintre, qui l'imaginait volontiers se donnant du plaisir sous ses yeux.

Alexandre brandit le pinceau pour accomplir sa mission. Il était vivement déconcentré par l'image que lui offrait sa belle et se montrait d'une lenteur que cette dernière trouvait exaspérante. Pressée de sentir les mains du duc sur elle, elle finit par réaliser le fantasme que ce dernier avait entrevu quand elle avait pris cette posture. Elle ferma les yeux et commença à se caresser tout doucement, s'offrant à son regard. Le tableau était tout oublié.

— Tu as besoin d'aide, ma chérie ? demanda le jeune homme d'une voix rendue rauque par le désir.

Entre deux soupirs, son modèle lui exigea de finir son œuvre, ce qui eut le mérite de lui faire accélérer singulièrement la cadence. Cinq minutes plus tard, il posait le matériel et se saisissait de la toile pour aller la montrer à l'experte en la matière, qui arrêta un instant son manège. En découvrant le travail de son bien-aimé, elle éclata de rire.

— Un poème, vraiment ? Vous êtes un vil tricheur... Comment dois-je vous punir ?

— De la façon qui vous siéra, madame, rétorqua-t-il, tout disposé à exaucer ses moindres désirs pour les années à venir.

Héphasie prit un instant de réflexion. La proposition était trop belle pour la gaspiller.

— Aimez-moi. Maintenant et pour l'éternité, ordonna-t-elle.

— C'est comme si c'était fait, répondit Alexandre en baisant sa main.

Il l'adora ensuite tout entière...

Une vierge au bordelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant