On s'était rassise. On s'était rassise sans s'embrasser, sans rien faire, comme si de rien n'était, comme si ce moment n'avait pas existé. Pénélope, près de moi, ne me regardait pas, avait la tête tournée à l'opposé de ma direction, passait sa main dans ses cheveux et jouait avec son verre de l'autre. Elle passait son doigt, lentement, sur le rebord de ce dernier, en le suivant méticuleusement ; et le fond de sa bière, à la surface, vibrait en ronds concentriques sous les frottements de son index. Puis, elle appela le Filou d'un coup de menton, désigna nos verres respectifs, et, enfin, se tourna vers moi.
- Merci encore, pour cette soirée, me dit-elle.
- Boh... j'ai pas fais grand-chose, c'est toi qui as choisi le bar !
Nous étions proches, épaule contre épaule, assises toutes les deux sur la même banquette. Elle s'accouda à notre petite table et posa sa joue dans sa main ; et la tête penchée sur le côté, Pénélope me regardait avec son demi-sourire, et je voyais ses yeux parcourir mon visage, ma bouche, longuement ma bouche, trop longuement peut-être... Alors j'hésitais. J'hésitais à me lancer... mais si elle ne l'avait pas fait, c'est sûrement parce qu'elle ne le voulait pas... ou alors...
- Dis-moi, Pénélope, lui demandai-je précipitamment.
- Oui ?
- Tu n'es pas obligée de dire oui, ok, puis, je ne sais même pas pourquoi je vais te demander ça... mais...
- Mais ? répéta-t-elle, intriguée, les yeux ronds et un large sourire aux lèvres.
Je pris une grand inspiration, et luttant contre tout mon corps qui me disait de ne pas faire ça, je me lançai :
- Est-ce que je peux t'embra-
- Et voilà vos verres, les filles ! nous interrompit Filou, avec nos deux pintes sur un plateau rond.
- Oh... merci Filou, rétorqua Pénélope qui s'était quelque peu dégagée de moi.
Et le barman nous regarda un instant, mit son plateau sous son bras, fronça les sourcils et se mit à sourire doucement.
- Qu'est-ce qu'il y a, Filou ? demanda Pénélope.
Et lui, sans aucune once de gêne, avec un petit étirement taquin de ses lèvres :
- Vous êtes en date, c'est ça ?
Quelque chose se bloqua dans ma gorge, peut-être mon cœur qui avait bondi hors de ma poitrine ; et Filou, toujours de son air goguenard, dans la continuité de sa blague déplacée :
- C'est votre premier ou deuxième ? Votre premier, c'est ça ?
Alors, Pénélope, ne se laissant pas faire, habituée sans doute à ses farces déplacées, me prit la main, la serra dans les siennes, contre sa poitrine, et d'une voix mielleuse et faussement amoureuse, sans quitter l'autre des yeux, sans me regarder :
- Non, c'est notre troisième ! et tu sais ce qui se passe, au troisième rendez-vous ?
- Ah, non ! mais ça m'intéresse, répliqua-t-il en s'installant à notre table, tout content.
Puis, en m'interrogeant du regard, il ajouta :
- Tu sais, toi ? ce qu'il se passe, au troisième rendez-vous ?
- Euh... oui, non, enfin... balbutiai-je, très-gauche et toute rouge de honte. C'est que... ha. ha. Oui le troisième rendez-vous ! tout à fait mon cher monsieur !
Pénélope me lâcha la main pour faire une tape amicale sur l'épaule de Filou, avant de dire, dans un rire continu :
- Roh ! c'est bon, arrête de l'embêter la pauvre, décidément tu n'en loupes jamais une toi !
VOUS LISEZ
Parfois, je ne pense à rien d'autre que toi. (GxG)
RomanceCéleste vient tout juste d'avoir le bac... et de se faire larguer. Pour se changer les idées et oublier son ex petite amie, elle décide, sur un coup de tête, de prendre un job d'été : barmaid dans un modeste camping au bord de l'océan. Et elle, qui...