Je ne savais pas où j'avais traîné Fredo, je ne faisais que marcher, marcher, et encore marcher. Je marchais aussi loin que je pouvais. Fuir ce camping-car était une nécessité. Et poussée par cette rage et colère naissante en moi, j'avais traîné Fredo. Lui, il me suivait, très docile ; et je n'osais pas me retourner pour voir la tête qu'il faisait. Est-ce qu'il me jugeait, se moquait de moi, ou peut-être qu'il était en colère ? Après tout, l'adultère n'est pas le meilleur élément pour souder une équipe. Seulement, me préoccuper de ce qu'il pensait, à ce moment-là, était le cadet de mes soucis.
– Je crois que c'est bon là, me dit-il d'une voix calme.
Mais je ne l'écoutais pas. J'avançais toujours.
– Céleste ? continua-t-il.
Je m'arrêtai, d'un coup d'un seul. Je me sentais, à la fois, sur le point d'exploser et d'un contrôle absolu. La respiration quelque peu saccadée, les poings et dents serrés ; il fallait que je me calme. Puis, soudainement prise d'une lucidité passagère, ce brin d'espoir qui luit à travers les nuages sombres d'une tempête, je m'étais tournée vers Frédo :
– Qu'est-ce que j'ai fait ?! Mon dieu...
– Ah bah, j'allais te poser la question justement, ma grande !
– Écoute... il s'est passé des choses...
– Des choses ? murmura-t-il, les sourcils froncés.
– Des choses intimes...
– Entre toi et Pénélope ?
– Entre moi et Pénélope, répétai-je. On s'est un peu emballées, voire un peu trop même, je crois, mais !
– Mais quoi ?
Puis, perdant tout contenance, comme une piscine en plastique que l'on éventre, d'une voix tremblante et sûrement avec un visage grimacé aux bords des larmes :
– Mais elle m'a dit qu'elle m'avait choisi...
Je m'étais jetée, pareil à une grande enfant, dans les bras de Fredo, sans explication aucune de cet élan de niaiserie et de fragilité qui, d'habitude, m'énerve au plus haut point. Comble de la tristesse, j'avais commencé à épancher mes larmes sur le débardeur de Fredo, que je trouvais déjà d'un mauvais goût ; mais c'était lui, à ce moment-là, ma seule bouée dans ce naufrage amoureux, dans ce triangle – où Pénélope était au sommet – si cliché qu'il en devient insupportable et énervant.
– Bah... souffla-t-il en me tapotant le haut du crâne. À vrai dire, l'inverse aurait été étonnant.
– Comment ça ? balbutiai-je en m'essuyant grossièrement la morve qui me coulait des narines.
Et je me sentais si bête à ce moment-là. Comme la fois où l'autre m'avait larguée, je m'étais transformée en madeleine, pleurant plus que je n'avais bu d'eau. « Tu pisseras moins ! » me disait ma mère pour me consoler par le rire.
– Qu'est-ce qui est étonnant ? demandai-je. Qu'elle m'ait choisi moi ?
– Non, dit-il en dodelinant de la tête. Justement, c'est qu'elle choisisse l'autre, qui est étonnant.
– Je... je comprends pas Fredo.
Je m'étais écartée de lui, doucement, très-perplexe. Toutes mes larmes avaient cessé de couler. Je me frottai les yeux, puis :
– Qu'est-ce que tu veux dire ?
– Déjà, commença-t-il en croisant les bras. Je garde ce que j'ai découvert pour moi. Ça sera notre petit secret. Ça te fait déjà ça de moins à te préoccuper.
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Parfois, je ne pense à rien d'autre que toi. (GxG)
RomanceCéleste vient tout juste d'avoir le bac... et de se faire larguer. Pour se changer les idées et oublier son ex petite amie, elle décide, sur un coup de tête, de prendre un job d'été : barmaid dans un modeste camping au bord de l'océan. Et elle, qui...