Chapitre 20

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C'est avec une chaleur insoutenable d'étuve, et mon matelas fusionné avec ma peau, par le biais de ma transpiration, que je m'étais réveillée ce matin-là. Avec ça, un mal de crâne comme j'en avais jamais eu, la gorge sèche et les articulations engourdies. C'était comme si mon corps me faisait payer d'avoir trop bu d'alcool sans diluer le tout avec l'eau ; et j'avais compris le message. Alors, titubant avec peine, ouvrant les yeux difficilement, je m'étais extirpée de ma tente, comme un mort-vivant sort de sa tombe : marmonnant des syllabes incompréhensibles.

Une fois ma tente ouverte, un vent d'air frais s'engouffra à toute vitesse ; c'était ma première renaissance. Il me fallait maintenant boire, et prendre une douche !

Je me dirigeai vers la salle d'eau commune, mes affaires de rechange sous le bras, ma serviette autour du cou, et ma tête de déterrée sur les épaules. J'avais quelque relent de spiritueux en bouche, et chaque rot me rappelait à quel point j'avais ingurgité de ce poison la veille. Et je me disais, dans cette marche où je traînais des pieds, la fameuse phrase, la promesse jamais tenue des lendemains de cuite : « plus jamais, je bois comme ça ! plus jamais... »

– Ah Céleste ! tu es debout ! me dit Frédo, dans une salopette bleue en jeans, toute mouillée et du genre bricoleur du dimanche.

– Bonjour, marmonnai-je dans ma barbe, n'ayant pas oublié ce dont il m'avait privé.

– Tu veux prendre ta douche, c'est ça ? me demanda-t-il en se grattant le haut du crâne.

– Euh... oui...

– Ah ça va pas être possible, malheureusement !

– Pardon ?

– Bah on a un petit problème de canalisation et de tuyauterie, c'était comme si quelqu'un avait saboté toutes les douches, donc là, plus aucune ne fonctionne.

– Ah... et comment je fais ?

– Bah, soit tu fais pas... soit tu demandes à Pénélope.

– Pé... pé... pé-quoi ? Je demande à quoi ? à qui ? quoi ? Pardon ?

– Oui, Pénélope à une douche d'appoint dans son camping-car !

– Oh bah tiens... comme c'est pratique, murmurai-je à demi-stressée et demi-excitée, avec des sursauts dans les épaules et un sourire crispé.

Je fis alors un demi-tour, et me dirigeai, tous mes sens en alerte, vers ledit camping-car. Et les poings serrés, la gorge nouée, et ces fichus papillons dans mon ventre – que l'alcool n'avait pas saoulé – j'étais plus que jamais en sueur, totalement crasseuse de la tête aux pieds. C'était un stupide fantasme de lycéenne qui se réalisait là, et je ne me comprenais pas ; pourquoi j'étais si excitée par cette idée, qui pourtant n'avait vraiment rien de bien fou.

Et deux petites frappes à la porte plus tard, Pénélope m'ouvrit. Elle était toute fraîche, dans une robe toute aussi courte, blanche à pois bleus, et qui lui montrait les genoux. Les cheveux encore humides, elle me regarda, souriante et intriguée par ma présence matinale. Moi, bouche bée, ayant oublié toute capacité de formuler une phrase correcte :

– Il fait chaud !

– Oui, il fait chaud, répéta-t-elle, en rigolant doucement. Qu'est-ce que je peux faire pour toi, Céleste ?

Et après une intense réflexion, redémarrant mes neurones à la ramasse, grillés par le trop-plein d'hormone :

– Euh... oui ! Voilà ! les douches ! elles sont en panne, est-ce que je peux emprunter la tienne, s'il te plaît ?

– Ah oui ! avec plaisir, je viens tout juste d'en sortir d'ailleurs, fais comme chez-toi, rentre, rentre !

Alors, toute gênée et rouge, non pas à cause de la chaleur, mais de tout ce qui se passait dans mon bas-ventre, je m'étais quelque peu précipitée sous sa douche. Et j'ouvris l'eau, soufflai tout l'air contenu dans mes poumons, parce que, et je ne savais pas pour quelle raison, j'étais en apnée tout le long de la traversée du camping-car ; pareille à une enfant qui se promenait dans un endroit qui lui était interdit. J'avais alors des rires nerveux qui étiraient mes lèvres, et je me sentais toute euphorique dans cette petite cabine blanche qui, de loin en loin, portait l'odeur de Pénélope. Toute sa fragrance, sa volupté, ce qui fait d'elle, elle ; si j'étais mouillée, ce n'était pas à cause de l'eau, pas totalement à cause de l'eau.

Parfois, je ne pense à rien d'autre que toi. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant