63 (Grey x Jubia)

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Pour toi princesse ❤️
J'espère qu'il te plaira ! 💕

***

Je m'avance, hésitante, jusqu'à cette table où il se retrouve accoudé une fois de plus.

Tendrement, j'attrape ses doigts et les dessers du goulot brun de la bouteille.

- Ça suffit, mon chéri.

Il me lance un regard dur qui me gèle sur place, ma main se fige sur ses articulations glacées.

Je tremble.

- Ce n'est pas bon pour toi, tu sais.

Son regard se fait plus sombre, plus menaçant. Je recule en lâchant prise. Il continue de me fixer, attendant que je me sois suffisamment éloignée.

- T'en mêle pas, Jubia.

Sa voix me tétanise, elle est si froide. Je l'observe un instant, où est donc l'homme que j'ai rencontré ? Où est passé celui que je rêvais d'épouser ? Je n'ai pas la réponse à ces questions constamment reposées.

La bouteille tombe, s'accumulant aux côtés de tant d'autres déjà au sol. Ses bras suivent le mouvement et il renverse sa tête en arrière.

Je m'approche doucement, entoure ses épaules, mais il me repouse brusquement. Son haleine empeste l'alcool et son regard est vide.

- Dégage.

Je ne sais pas ce que je préfère, ou plutôt, ce qui m'effraie le plus. Je ne sais pas si c'est ce ton froid et menaçant, voire indifférent, ou ses cris lorsqu'il déverse sa colère à mes dépends.

Je remonte lentement à l'étage. Pourquoi est-il avec moi ? Pourquoi a-t-il accepté si c'est pour m'infliger ça ? Je ne comprends pas. Depuis le début, je l'ai vu boire, lui qui pourtant, avant ne consommait pas. Je ne sais pas pourquoi il a commencé, puisqu'il ne s'est jamais confié. Il ne m'a jamais dit qu'il m'aimait. Ne me l'a jamais montré. Peut-être parce que ce n'est jamais arrivé.

Je ne sais même plus pourquoi je reste. Je n'existe pas. Je suis là, il le sait, il me voit mais il ne me parle pas. Il ne me parle pas et ne s'occupe pas de moi. Il ne me parle pas et me laisse gérer tout ça. Il n'y a que lorsqu'il ressent le besoin de se défouler ou de se soulager qu'il fait appel à moi. Alors qu'il était supposé m'aimer puisqu'il a approuvé ma demande sans hésiter.

Mais malgré ça, j'ai l'impression que lorsqu'il pose les yeux sur moi, c'est une autre qu'il voit. Que lorsqu'il me touche, c'est un autre corps qu'il imagine parcourir de ses mains. Et que lorsqu'il crie, c'est à une autre personne qu'il s'adresse. Comme si je n'existais pas, comme si je n'avais servi qu'à remplacer quelqu'un qui n'était plus là, comme si depuis le début, il n'avait fait que se jouer de moi. Et ce qui m'effraie, c'est que c'est peut-être le cas.

Mes yeux dérivent sur la bouteille posée sur la table basse de la pièce. Et, pendant une fraction de seconde, je rêve de me précipiter dessus et de la boire d'une traite afin d'oublier tout cela et de me plonger dans cette joie factice que me procurerait l'alcool. Puis je me reprends subitement, avant d'attraper la bouteille et de la fracasser contre le mur avec rage.

Je regarde mon œuvre, dépitée ; la tapisserie était presque neuve.

Je descends les escaliers, épuisée, pour aller trouver le balai. Au moment où je passe à ses côtés, je tourne la tête et je le trouve endormi, le visage posé doucement sur le bois. Il semble serein pour une fois. Il n'y a plus que quand il dort que je peux encore le retrouver comme ça, comme s'il était de nouveau... normal.

Je soupire et marche vers lui pour le soulever avec douceur. Il entrouvre les yeux, se reposant sur mes épaules. Nous montons les escaliers lentement puis je le dépose sur notre lit après l'avoir déshabillé. Une fois ces choses faites, je redescends en soufflant, récupère le balais et commence à nettoyer les bouts de verre avant d'aller chercher l'éponge pour m'occuper du liquide sombre. Je me redresse ensuite pour observer l'état de mon mur. La tapisserie bleu pâle est maintenant tachée par de grosses traces brunes. Je soupire une énième fois en me passant la main sur le visage.

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