36. Eoline

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Cela faisait maintenant plusieurs minutes que l'ombre me poursuivait. Après avoir laissé Diego seul, j'était partie, l'ombre sur mes traces. En faisant un saut vers mon reste de tente, j'avais pu récupérer un poignard, petit, discret et efficace.

J'étais alors partis en courant, à vitesse réduite pour que l'ombre me suive mais ne me rattrape pas. Quel était donc le but de cette attaque ?

Pour moi, les ombres nous avaient données des pouvoirs, ces aptitudes qui nous servaient aujourd'hui durant cette bataille, mais pourquoi nous les données pour après nous attaquer ?

Peut être les ombres se sentaient seules et avaient donc besoin d'adversaire mais dans ce cas, elles n'auraient pas pris le risque de mourir. Mais la question qui tournait le plus en boucle était, d'où venaient-elles ? Venaient-elles de nous même, étaient-elles des personnes à qui nous avions fait du mal, comme un esprit se vengeant ?

Je chassais cette hypothèse de ma tête, nous n'étions pas dans un film d'horreur, même si notre situation en aurait fait pleurer plus d'un, moi y compris. Sans les autres, je serais surement devenu folle. Pourchasser, traquer, auraient alors été mes seules raisons de vivre. Et si c'était un message de la terre, voulant nous ramener aux valeurs de base, la survie, qualité propre à chaque animal, à chaque plante, à chaque être vivant...

Mais dans ce cas, étions nous l'espoir du monde, le dernier espoir de cette terre, le seul passage avec la fin de l'humanité...

Prise de panique je m'arrêtais, je venais de prendre conscience de l'ampleur de ce que nous vivions. Ce n'était donc pas qu'une simple blague, c'était juste un jeu, et nous devions jouer notre vie.

Alors que je m'apprêtais à repartir, un violent coup derrière la tête me fit perdre connaissance. La dernière chose que je vis, fut le visage de l'ombre, fendu d'un sourire rempli de haine.

***

J'ai mal, à la tête, au bras, aux jambes, j'ai mal partout, mes yeux ne veulent pas s'ouvrir. J'essaye de les toucher, mes mains ne veulent pas bouger, ou plutôt ne peuvent pas, au fur et à mesure que la corde me scie la peau.

J'ai mal à la tête, j'ai l'impression que tout mon poids repose sur elle. je sens un souffle chaud sur mon visage gelé, prise de panique, j'ouvre les yeux d'un coup. Je suis la tête à l'envers, suspendue à une branche d'arbre, la tête à l'envers, en face de moi, le sourire brumeux de l'ombre m'observe. Un grognement me fait tourner la tête, Diego est là, par terre, dans une mare de sang, la moitié de son corps et humaine, l'autre, il n'en reste pas grand chose.

— Lâche le !

Je ne le retiens pas...

Prise de panique je tente de me débattre mais mon corps refuse de m'obéir. Un reflet argenté que je n'avais pas remarqué au début brille dans la main de l'ombre.

— Que vas-tu me faire ?

Elle ne répond pas, se contente de sourire tout en me montrant l'objet en question, mon poignard. Pris de panique, mon corps se met à trembler, mais c'est déjà trop tard.

J'arrive à décoincer mes mains mais n'ais pas le temps de bouger plus qu'elle me plante le poignard dans le ventre. Le souffle court, je sent sur ma peau, le liquide s'échappait de mon corps au fur et à mesure qu'elle l'enfonce. Mes larmes et mon sang viennent me brouiller la vue, je ne vois que ça forme noire, floue, et toujours, sont regard et son sourire, me rappelant qu'elle a gagné.

Gagnée, vraiment ?

J'arrive à lancer mes bras vers elle, ses mains lâchent aussitôt prise me laissant la voie libre, j'essuie mes yeux et détache mes jambes, les contractions de mon ventre sont horribles, à chaque mouvement la nausée montent et une envie de me laisser mourir m'enveloppe.

La seule chose qui me donne encore espoir et sans doute Diego, même si j'ai du mal à me l'avouer.

Une fois en bas de l'arbre, une main sur mon ventre entourant le poignard, l'autre vers l'ombre, tendue, prête à l'attaquer, à la battre, et surtout, à la tuer.

Un souffle froid me traverse le dos, je laisse mon énergie me submerger. Puissante, vengeresse, meurtrière, je la laisse s'échapper, dans un cri de colère, une puissante rafale l'enveloppe, la déchire, la tue, la fait disparaître.

La dernière vision que j'ai d'elle est un visage, d'abord noir puis cette brume se dégage, laissant place à mon visage, exactement le meme, mais sans vie, vide de tout humanité, et surtout, vide d'amour...

Un autre grognement de Diego me rappelle au monde. Il est là, étendu au sol, toujours aussi beau, mais son regard a changé, il est maintenant vide, aussi vide que ce monde.

Je m'approche de lui et me laisse tomber, le poignard toujours planté, me permet de moins saigner. Je me penche au-dessus de lui et nettoie son visage. Sa peau squelettique est maintenant tachée de sang et d'hématome.

— Diego ?

Il ne me répond pas, ses yeux bougent mais ne me regardent pas.

— Diego ! Regarde moi je t'en supplie !

Il tourne son visage vers moi, un faible sourire semble éclairer son visage l'espace d'un instant. Ses lèvres bougent et je me rapproche pour mieux entendre. A l'aide d'un effort colossal, sa main se lève et tourne ma tête dans sa direction. Nos lèvres se touchent, il n'y a aucune saveur, il est en train de mourir...

Il enlève sa bouche de la mienne, me sourit et dans un dernier effort me murmure :

— Je t'aime...

Mes larmes commencent à couler, ses yeux se ferment, les miens pleurent. Je lui tapote gentiment la joue, persuadée que tout rentrera dans l'ordre après son réveil. Mais non, ses yeux ne s'ouvrent pas, sa partie squelettique prend le dessus petit à petit sur le reste de son corps.

— Non, s'il te plait, ne me laisse pas, je t'en supplie, Diego !

Mon corps aussi commence à me lâcher, je ne sens plus mes jambes, elles commencent à disparaître en même temps que le corps de Diego.

Posant ma tête contre son épaule, j'attend mon heure, chantant pour me laisser la force, d'affronter la faucheuse.

Ferme tes yeux,

Endors toi,

Écoute juste,

Le son de ma voix,

Je serais toujours là,

Pour toi...

La dernière chose que je vois est ce monde, qui m'a vu naître, grandir, mourir, ce monde où j'ai pleuré, rit, tué, et surtout, aimé.

THE S.E.V.E.N.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant