39. Thomas

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Ma respiration était lente, très lente, trop lente. J'ouvrais les yeux, paniqué et les refermer aussitôt. La lumière m'aveuglait et le soleil réchauffait ma peau glacée. La terre sous moi s'affaissait de plus en plus, les racines me portant étaient maintenant cassées. Je n'avais plus d'énergie. Mes doigts engourdis me faisaient mal et je ne pouvais plus bouger mes jambes. Ma plaie au ventre venait de se rouvrir et mon sang chaud coulait le long de mon corps froid.

Un bruit de pas me fit lever la tête en direction de la surface. J'essayé tant bien que mal de me relever mais mon corps ne m'obéit pas. Dans ce trou profond, j'étais vulnérable. Une tête blonde passa dans la fente et je la reconnut aussitôt. Le garçon sauta dans le trou en prenant soin de ne pas me faire mal. Dans ses bras, il tenait des bandages.

— Tu en as mis du temps, ma plaie me fait hyper mal !

— Tu étais pas facile à trouver sans ton arbre, pourquoi n'est il plus là ?

— Je n'ai plus d'énergie, je suis en train de partir, il est donc mort pour me laisser le peu d'énergie qu'il me reste mais je crois que j'aurais préféré mourir entre ses racines...

— Dis pas de bêtise, je sais que t'essaye de te persuader.

— Moi au moins je n'abandonne pas les autres...

La phrase m'avait échapper de la bouche, je n'en pensé pas un mot mais j'étais en train de mourir et j'avais besoin d'un coupable, la personne que j'aimais allait maintenant devoir s'occuper d'un ingrat qui ne savait même plus ce qu'il disait.

De l'incompréhension passa sur son visage laissant vite place à la colère. Il fronça ses sourcils et mit ses poings sur les hanches, laissant tomber à mes pieds les bandages maintenant marrons.

— Pardon ?

Un soupir m'échappa, j'étais vraiment désolé de le vexer mais au fond de moi, une partie fourbe et égoïste me poussait à lui faire du mal. Un hoquet me fit reprendre mes esprits.

— Je... Je suis vraiment désolé d'avoir dit ça, je ne sais pas ce qu'il me prend...

Son visage se relâcha et un fin sourire se dessina. Il se baissa lentement et souleva avec délicatesse mon tee-shirt. Il nettoya comme il pouvait ma plaie puis la banda. Puis me prenant par le bras, il m'aida à me relever et m'emmena à la surface. Au cours de l'escalade, je me vidais de plus en plus de mon sang et de mon énergie. Une fois en haut, Alix me fit monter dans ce qu'il restait d'un 4x4 et m'emmena à la ville la plus proche.

Durant le trajet je le fixais, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu quelqu'un d'aussi beau. Un léger sourire remontait ses pommettes roses, ses cheveux en batailles, brunit par la crasse et le sang, lui tombait sur les yeux. Yeux d'un bleu hypnotisant avec toujours le même regard pétillant. Son tee-shirt, déchiré par endroits, laissait voir son corps bronzé et robuste. Il me surprit à le dévisager et rigola.

— Je suis tellement beau que tu ne peux pas t'empêcher de me regarder ?

— Ne te fais pas d'idées, tu es très banale.

Je rigolais intérieurement et lui aussi. Depuis combien de temps n'avait il pas été heureux ?

Il n'avait parlé qu'une fois ou deux de sa famille mais jamais en bien. Je n'avais pas lancé le sujet, lui aussi devait y penser. Un autre détail me fit tilté. Nous étions en train de partir dans la direction opposée à notre camp avec la seule voiture qui marchait.

— Où sont les autres ?

Son sourire s'effaça et de la tristesse voila ses yeux.

— Ils sont morts...

— Quoi ?

— Ils sont morts...

— Oui ça j'ai compris mais comment ? Pourquoi on a pas pu les aider ? Comment tu le sais, tu étais là ?

— Arrête avec toutes tes questions, j'ai rien pu faire et c'est trop tard, comme pour nous, bientôt, nous aussi on s'envolera sous formes de poussières...

— Je veux pas finir comme ça, j'ai le droit de vivre ! Tu ne peux pas m'obliger à te suivre, je veux descendre !

Il stoppa net la voiture se qui me fit affreusement mal au ventre.

— Tu es en train de mourir et je suis en train de devenir fou, autant en finir tout de suite.

La voiture commença à redémarrer. Paniqué à l'idée qu'il m'emporte dans son suicide, je lui attrapé le bras et tenté de le faire changer d'avis. Il fallait qu'on rentre au camp. Ma plaie s'ouvrait de plus en plus et ma peau autour commençait à se nécroser. Soudain mon bras lâcha le sien et un soubresaut me fit tomber en arrière. Ma tête me faisait horriblement mal. Mes jambes commençaient à s'engourdir et je ne sentais plus mes bras. Le peu de sang qu'il me restait étaient pompés par mon cœur mais en vain. J'allais à mon tour partir.

Un autre tremblement me fit crier et au son de ma voix Alix réagit. Il arrêta la voiture et en descendit. Là, il baissa mon siège de façon à ce que je sois allongé.

— Pourquoi tu meurs maintenant ?

— Tu crois... que je choisis...

— Tu n'as pas compris, je voulais t'emmener à l'hôpital, les infirmières auraient pu te soigner !

C'est alors que la réalité me rattrapa, comme une claque dans mon visage. Une larme coula, puis deux, puis trois, vinrent me recouvrir les joues. Alix venait de perdre la tête.

Peut être que tous les événements avaient été trop durs à encaisser, il n'était désormais plus de ce monde. Ce qui se trouvait devant moi n'était que son ombre, son reflet, une coquille vide.

— Je t'en supplie Alix, tu sais très bien qu'il n'y a plus que nous deux, ne me laisse pas de faux espoirs, je n'en aurais pas le courage...

— De quoi tu parles ?

Il m'embrassa et prit ma main. Sa main douce et chaude brûlait la mienne, froide et sans vie, mais je ne l'enlevais pas. Je voulais garder jusqu'au bout une part de lui, vivante et pétillante Il releva ses lèvres des miennes et déposa son autre main sur mon ventre.

— Mon amour pour toi me tueras un jour...

Une toux me prit et je la calmait avec difficulté. Mes larmes se déversaient sur mes joues et ma voix se cassée au fil de mes paroles.

— Je n'ai besoin que de toi pour vivre mais je t'en supplie, je veux partir, Alix, laisse moi partir...

— Tu veux aller où ?

Des larmes encadraient son visage d'ange. Ma dernière vision de lui fut ses yeux. Grands et bleus, remplis de larmes, sans vie, ternes, et morts.

Une quinte de toux finit par m'achever, emportant avec moi, la douce main d'Alix.

THE S.E.V.E.N.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant