Londres, résidence de lord Julien Beverley, vendredi, 16h43...
Cela faisait déjà dix minutes que Théa avait retrouvé son collègue pour leur rendez-vous professionnel hebdomadaire. Elle était assise dans une confortable chaise face au bureau de Julien, une main posée sur le genou et l’autre tenant un crayon au-dessus de quelques formats superposés sur la table. La mère de la jeune femme lui avait tressé des nattes à l'avant de sa tête, afin de faire ressortir les traits de son visage, et avait saisi toute sa crinière en un touffu chignon arrière dont les pointes effleuraient sa nuque. Elle portait une chemise jaune au col en V ornée de dentelles sur la boutonnière et la finition des manches semi-longues ; les pans étaient enfilés dans une longue jupe noire, le tout porté avec de discrets escarpins aussi ocre que son moyen sac en cuir qu’elle avait posé sur le deuxième siège, à sa droite. Le rendu était fort élégant et l'avocat le lui avait fait savoir dès son entrée dans la pièce. De l’autre côté du bureau, adossé à son fauteuil, le jeune homme lisait avec une grande attention le compte-rendu qu’elle avait rédigé. Théa l’observait en silence faire des mouvements de la tête à certains moments de sa lecture.
- Tout comme la dernière fois, il y a énormément d'améliorations, commenta-t-il quand il eut fini, je ne m'attendais pas à tant.
- Elles s'adaptent fort bien aux différentes règles et activités, en plus d'y prendre grand plaisir pour certaines. C'est comme si elles avaient attendu une telle opportunité toute leur vie pour démontrer leurs capacités à apprendre et à développer des compétences professionnelles admirables. De jour en jour, je suis fascinée par leur application et implication. Cela génère de la bonne humeur au quotidien. Les employés, chargés de l'entretien, ainsi que les professeurs, y sont très sensibles.
- Je suppose que chacun est donc encore plus motivé à exécuter leurs tâches respectives.
- Effectivement, j’ai eu l’occasion de le constater, approuva Théa. D'ailleurs, en ce qui me concerne, c'est avec beaucoup plus d'enthousiasme que je me rends au Home Revival. Bien sûr, j'ai conscience que je ferai face à des femmes aux histoires très pénibles, mais, au lieu d'éprouver de l'appréhension comme au tout début, je suis sereine car ce sont aussi des personnes déterminées, lumineuses, énergiques, pleines d'idées et même très drôles que je côtoie à présent. Leur vitalité toute neuve contamine chaque nouveau venu.
- Ça me fait très plaisir, Théa. Ce projet porte très tôt des fruits inespérés et ça vous procure un grand bien.
- Oui. Décidément, il faut croire qu'il est toujours possible de se défaire du passé pour devenir une personne meilleure que l'on ne soupçonnait pas. Cela donne des leçons.
- Et vous en aviez besoin ?
- Je crois bien, sourit la jeune femme.
- Qu'en est-il de Danielle Peters et d'Éliane Carter ? Vous laissez entendre dans vos écrits qu'elles continuent de vous préoccuper, et que vous avez eu de longs entretiens avec elles pendant la semaine. Quelle en est la raison ?
Théa prit un moment de réflexion pour exprimer ses pensées au mieux.
- Pour Éliane Carter, j'ai cru que l'état de son fils – qui, d'ailleurs, évolue bien d'après le médecin – serait assez motivant pour qu'elle donne le meilleur d'elle dans l'apprentissage, mais ce n'est pas le cas.
- Que se passe-t-il ?
- Je crois que, malgré sa volonté, l'idée de travailler est encore très difficile à assimiler pour elle. Il y a un manque de concentration flagrant dans ses divers travaux, elle ne semble pas réaliser tout à fait ce qui l'attendra après son passage à l'association. L'emprise de son éducation concernant la place de la femme en société est très forte.
VOUS LISEZ
Les Rebelles De Londres [Histoire Terminée Et Éditée]
Historical FictionAngleterre 19eme siècle, Londres... Lady Iris, comtesse de Rothwell, est une jeune veuve que la vie n'a pas épargnée. trahie, blessée et rejetée par des personnes en qui elle avait mis sa confiance, elle a développé un cœur de glace selon la rume...